Pourquoi certaines personnes longuement exposées à la COVID-19 ne l’attrapent-elles pas ?

Marie-France Coallier Le Devoir

Ce texte est tiré de notre infolettre « Le Courrier du coronavirus » du 9 mai 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.

Nous connaissons tous une maisonnée dans laquelle la COVID-19 s’est invitée, mais où une personne, à la surprise générale, a été épargnée par la petite bête après des jours d’exposition intensive. Comment cela se fait-il ?

La question paraît simple, mais deux ans et demi après l’apparition du SRAS-CoV-2, elle taraude toujours la communauté scientifique.

« J’aimerais vous donner une réponse, mais nous n’en avons pas encore », observe Donald Vinh, professeur et chercheur en microbiologie et en immunologie au Centre universitaire de santé McGill. Malgré sa modestie, ce spécialiste dispose néanmoins de plusieurs pistes d’explication.

Chez les personnes vaccinées, d’abord, c’est principalement la réponse à la vaccination qui fait que certaines personnes évitent une infection, alors que d’autres y cèdent. Deux personnes ayant reçu les mêmes doses de vaccin au même moment n’auront pas nécessairement développé la même protection.

Toutefois, là où la question devient vraiment intéressante, c’est chez la population « naïve immunologiquement » — les personnes jamais vaccinées, jamais infectées —, où on trouve quelques individus qui semblent complètement résistants à la COVID-19.

On ne parle pas ici de malades asymptomatiques, mais bien de personnes qui, même après une exposition prolongée, ne ressentent aucun symptôme et obtiennent à répétition des résultats négatifs à des tests PCR.

Le phénomène n’est pas nouveau dans l’histoire de la médecine : certaines personnes sont résistantes à la gastro-entérite grâce à une variation génétique qui influe sur la surface de leurs cellules. Des variations dans le génome humain confèrent également à plus de 90 % de la population une résistance à la tuberculose.

Et qu’en est-il de la COVID ? Un groupe international de chercheurs, dont le Dr Vinh fait partie, mène actuellement un projet de recherche afin de trouver ces personnes résistantes, de séquencer leur génome et de mettre le doigt sur le secret de leur défense infaillible.

Leur immunité pourrait découler d’une foule de molécules du corps humain : certaines faisant partie du système immunitaire comme on le conçoit actuellement, d’autres étant à la surface des cellules épithéliales qui recouvrent les voies respiratoires, et d’autres encore se trouvant à l’intérieur même des cellules, etc.

Le groupe Covid Human Genetic Effort s’efforce ainsi de considérer toutes les possibilités qui pourraient expliquer la résistance. « On garde l’esprit ouvert », explique le Dr Vinh.

Des résultats d’ici quelques mois

Pour l’instant, l’équipe a trouvé environ 700 personnes d’un bout à l’autre du monde — du Canada à l’Australie, en passant par le Brésil, le Kenya et l’Italie — qui semblent résistantes à la COVID-19. D’ici trois mois, les chercheurs devraient avoir terminé le séquençage du génome de ces personnes.

Du lot, les profils génétiques atypiques feront l’objet de tests en laboratoire. Les chercheurs généreront les molécules associées aux gènes hors du commun in vitro afin de voir comment elles se comportent en présence du coronavirus. Les éventuels mécanismes biologiques responsables de la résistance pourront être compris.

Les enjeux sont immenses : ces mécanismes biologiques pourraient révéler la position d’une « cible thérapeutique » cruciale pour la mise au point de médicaments.

La génétique n’est pas la seule explication possible de la résistance à la COVID-19 : l’épigénétique (les mécanismes modifiant l’expression des gènes) et le microbiome humain (les microorganismes vivant en nous) sont d’autres facteurs possibles. Néanmoins, l’approche génétique est particulièrement prometteuse, car « si on n’a pas de gènes, on n’existe pas », rappelle le Dr Vinh.

Déjà, le recrutement des personnes résistantes provoque des surprises. Des quelque 700 individus recrutés dans les 278 centres médicaux participant dans le monde, environ 80 proviennent du Canada, surtout du Québec.

« La plupart des personnes que nous avons trouvées [au Québec] pour le projet sur la résistance sont des personnes âgées dans les CHSLD, explique le Dr Vinh. Et 98 % de ces personnes sont des Québécois de souche, francophones. »

« C’est possible qu’il y ait un enrichissement [une surreprésentation de certaines variations génétiques] dans cette population, poursuit-il. C’est possible qu’il y ait quelque chose d’unique. Mais c’est aussi possible que non. »

Une histoire à suivre dans cinq à six mois, quand l’équipe internationale aura terminé son analyse.

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