La policière de la SQ accusée de voies de fait sur un Autochtone défend ses gestes

La policière Stéphanie Dorval a défendu ses actions lors de son témoignage jeudi à son procès pour voies de fait sur un jeune autochtone. Selon sa version, les gestes qu’on lui reproche ont été posés pour protéger ses coéquipiers dans le cadre d’une intervention policière difficile et pour saisir un élément de preuve.
Le procès criminel de cette policière de la Sûreté du Québec (SQ) de Val d’Or a débuté lundi.
Ces dernières années, cette force policière a fait les manchettes à plus d’une reprise : des femmes autochtones ont dénoncé des membres de la SQ pour des agressions sexuelles et en décembre dernier, un groupe d’Autochtones a demandé l’autorisation d’intenter une action collective pour tous les abus qu’ils allèguent avoir subis aux mains des policiers.
L’intervention policière à l’origine de cette accusation contre l’agente Dorval remonte au 14 septembre 2019.
Ce jour-là, la policière qui cumule 13 ans d’expérience a été appelée à se rendre d’urgence dans un immeuble à logement de Val-d’Or en Abitibi. La raison de l’appel « priorité 1 » : un conflit s’y déroule et une personne saigne à la tête, a-t-elle rapporté à la juge Anne-Marie Jacques de la Cour du Québec qui préside le procès.
Première arrivée sur les lieux avec les ambulanciers, elle se dirige vers un appartement où il y a, relate-t-elle, beaucoup de tapage, un homme qui cogne très fort et une femme qui crie et qui pleure.
« Moi je comprends qu’il y a urgence d’agir. Ça brasse solide ».
À l’intérieur, un homme et une femme sont au sol : ils pleurent et crient, décrit la policière, dans un appartement où des meubles sont renversés et cassés. L’homme serre la tête de la femme, ses poings sont serrés autour de son cou. Pour elle, il s’agit d’une situation de crise et elle décide d’intervenir physiquement pour les séparer et procéder à l’arrestation de l’homme.
Pendant ce temps, d’autres personnes présentes dans le logement et dans le couloir adjacent s’approchent des policiers et protestent contre leur intervention, dit-elle.
Le plaignant dans cette affaire, John Andrew Fedora, un jeune homme cri, « s’approche trop proche de moi », rapporte Mme Dorval à la juge. Il est à un pied de distance, crie fort, filme la scène et fait des gestes avec sa main, alors qu’ils sont encore tous à l’intérieur de l’immeuble. Elle soutient avoir demandé aux personnes présentes de reculer. Ils s’exécutent tous, sauf le plaignant, qui serre les poings. Elle réitère sa demande à plus d’une reprise, explique-t-elle.
Elle ajoute que son collègue policier demande aussi à répétition à M. Fedora de reculer.
Dehors, ils sont trois pour tenter d’asseoir le suspect — qui est le frère de M. Fedora — dans l’autopatrouille, ce qui s’avère très difficile puisqu’il se débat.
C’est là que la policière considère que le plaignant est « trop proche » de ses partenaires qui effectuent une manœuvre difficile, et trop proche de la voiture de police. Sa collègue policière dit au plaignant de reculer, en vain. L’agente Dorval croit que ses coéquipiers ne le voient pas car il est dans leur dos.
« Il y a danger. S’il initie un mouvement, on n’a pas de temps de réaction ».
Elle se précipite vers lui pendant qu’il filme toujours, tente d’attraper son téléphone cellulaire, l’échappe, et met son autre main sur l’épaule du plaignant, ce qui fait en sorte qu’il recule, dit-elle, créant une distance sécuritaire pour qu’elle puisse ramasser le cellulaire.
Son but était de protéger ses collègues et saisir le cellulaire qui contenait une vidéo qui allait lui servir de preuve contre le suspect arrêté, mais aussi contre le plaignant, fait-elle valoir, car elle considère qu’il entravait le travail des policiers.
Mercredi, le plaignant a témoigné. Il a assuré ne s’être jamais tenu à moins de 5 ou 6 pieds des policiers et soutient que la policière l’a poussé.
Une vidéo filmée de l’étage par un voisin montre le plaignant à l’extérieur qui s’approche calmement de la voiture de police en filmant. Il tient aussi dans ses mains les pantalons que son frère a perdus lors de l’intervention : il a dit avoir voulu les remettre aux policiers. Sur la vidéo, il apparaît calme et ne fait aucun geste brusque : il a témoigné s’être approché de l’autopatrouille pour s’assurer que les policiers ne faisaient pas mal à son frère.
Quant aux ambulanciers et une autre policière, ils ont relaté qu’ils étaient nerveux lors de cette intervention volatile car il y avait beaucoup de gens dans un espace restreint et qu’ils tentaient de les tenir à l’écart pour effectuer leur travail de façon sécuritaire.
Le procès se terminera vendredi avec les plaidoiries des avocats de la couronne et de la défense.