L’école de votre enfant est-elle ventilée?

45% des établissements doivent avoir recours à la ventilation «naturelle», soit l’ouverture des fenêtres, puisqu’ils ne disposent pas de système mécanique.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne 45% des établissements doivent avoir recours à la ventilation «naturelle», soit l’ouverture des fenêtres, puisqu’ils ne disposent pas de système mécanique.

Après plus de deux ans de pandémie, la ventilation et la qualité de l’air dans les écoles québécoises continuent de poser problème. Selon une analyse de données obtenues par Le Devoir en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, près de la moitié des immeubles scolaires primaires et secondaires publics du Québec ne sont pas ventilés mécaniquement.

Par conséquent, 45 % des établissements doivent avoir recours à la ventilation « naturelle », soit l’ouverture des fenêtres, puisqu’ils ne disposent pas de système mécanique, d’après les données par phases de construction du ministère de l’Éducation. En y ajoutant les immeubles où le système de ventilation n’est que partiel — lorsqu’une partie du bâtiment est ventilée mécaniquement et l’autre non —, ce sont 61 % des écoles primaires et secondaires qui ne sont donc pas entièrement desservies par une ventilation mécanique.

Or, ventiler une école mécaniquement est la manière privilégiée pour mieux contrôler les paramètres des échanges d’air, selon des experts consultés par Le Devoir. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les nouvelles écoles sont construites avec un système de ventilation mécanique, indique l’ingénieure en mécanique du bâtiment et membre du collectif COVID-STOP Manuelle Croft.

 

« C’est beaucoup plus simple parce qu’on peut utiliser des systèmes de contrôle pour gérer la ventilation de manière qu’elle soit activée pendant l’occupation et qu’elle puisse s’adapter aux besoins des usagers », résume-t-elle.

À l’inverse, il est difficile d’assurer une constance dans l’apport d’air frais en ne s’en remettant qu’à l’ouverture des fenêtres, notamment en raison des vents qui changent de direction et de vitesse à longueur d’année, fait valoir Stéphane Bilodeau, ingénieur et spécialiste de la qualité de l’air, lui aussi membre du collectif COVID-STOP.

« Quelques jours par année, la ventilation naturelle peut être adéquate, mais la grande majorité de l’année, ça ne sera pas suffisant en ce qui a trait à l’apport d’air neuf. Peut-être que [le vent] ne sera même pas dans la bonne direction, c’est-à-dire qu’on va plutôt faire circuler de l’air de l’intérieur vers d’autres classes plutôt que de l’air de l’extérieur [vers l’intérieur] », indique-t-il.

De son côté, le ministère de l’Éducation affirme que « les bâtiments construits [dans les années 1960 et 1970] étaient conçus pour favoriser la ventilation naturelle grâce à l’orientation du bâtiment, l’utilisation de vasistas, la conception des corridors, etc. ».

Or, les inconvénients de la ventilation naturelle vont même bien au-delà de la qualité d’air, pour Manuelle Croft. Celle dont les enfants ont fréquenté une école ventilée naturellement durant la pandémie affirme que ses inquiétudes ne concernaient pas tant le type de ventilation que la responsabilité qui incombe aux membres du personnel de l’école.

« C’est là le problème de la ventilation naturelle. La charge mentale de la ventilation repose sur les épaules de personnes qui ont déjà une charge mentale élevée. […] Quand on est dans le feu de l’action de notre enseignement, on n’est pas nécessairement sensibles au fait que ça fait longtemps qu’on n’a pas ouvert les fenêtres », souligne-t-elle.

Pour sa part, le médecin spécialiste en santé et environnement à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) Stéphane Perron croit que les deux systèmes de ventilation peuvent être tout aussi efficaces l’un que l’autre s’ils sont bien entretenus et « optimisés ».

« La ventilation mécanique a ses complexités aussi. Il faut que ça soit super bien entretenu. En théorie, on pense que ça peut être supérieur [à la ventilation naturelle], mais en pratique, ce n’est pas toujours aussi clair », nuance-t-il.

Le ministère de l’Éducation a spécifié au Devoir qu’en calculant les types de ventilation selon les surfaces des bâtiments primaires et secondaires, 67,4 % des surfaces seraient ventilées mécaniquement.

Une qualité d’air non garantie

Une école ventilée mécaniquement n’est pas forcément synonyme d’une bonne qualité d’air. Les lecteurs de CO2 fournis aux enseignants durant la pandémie ont permis de mesurer des écarts de mesures importants au sein d’une même école, dénonce la Dre Marie-Michelle Bellon, spécialiste en médecine interne et coordonnatrice médicale du collectif COVID-STOP.

« Dans des écoles où il y avait une ventilation mécanique, [le taux de CO2] était complètement variable d’une classe à l’autre. Dans la même école, il y avait des taux de CO2 impeccables dans certaines classes et d’autres où, pour une raison quelconque, les chiffres étaient super élevés. »

C’est le cas pour Cindy (nom fictif), enseignante dans une école secondaire de la région de Lanaudière. Celle dont l’identité est protégée par crainte de représailles de son employeur a confié au Devoir que, malgré la ventilation mécanique qui dessert son établissement, de nombreux locaux ont affiché des taux anormaux de CO2. Plusieurs de ces classes n’ont même pas de fenêtre pour permettre d’aérer les lieux.

« Ce qu’on nous disait, c’était d’ouvrir la porte. […] Mais il n’y a pas grand-chose qui se passe quand une porte est ouverte », raconte-t-elle avec une pointe d’ironie.

Si Cindy déplore que la « mauvaise aération » et la chaleur aient des effets néfastes sur la concentration des étudiants tout comme sur le niveau d’énergie des enseignants, elle dénonce surtout le « manque de cohérence » de la gestion du dossier. « Puisqu’on est ventilés mécaniquement, on est considérés comme “corrects”. On fait des entretiens annuels [du système], mais il n’y a pas de plan pour l’améliorer. »

Des travaux estivaux ?

L’enseignante affirme n’avoir reçu aucune nouvelle concernant des travaux ou des mesures palliatives en vue de la prochaine rentrée scolaire. Les vacances estivales sont pourtant la période idéale pour mener des chantiers, réclament de nombreux intervenants, comme le président de la Fédération autonome de l’enseignement, Sylvain Mallette.

« On sait que le virus se propage moins quand il fait chaud. Les taux d’infection ont toujours diminué pendant la période estivale, mais les mêmes questions vont se poser à l’automne quand les froids vont reprendre et qu’on va devoir fermer les fenêtres », s’indigne-t-il. M. Mallette plaide pour un abaissement du seuil de concentration « acceptable » de CO2 de 1500 ppm à 1000 ppm, ainsi que la réintroduction des suivis des éclosions de COVID-19.

La Dre Marie-Michelle Bellon, du collectif COVID-STOP, espère aussi voir des mesures concrètes en prévision de l’automne. « L’été, c’est le moment pour agir, les élèves ne sont pas là. En plus, si on regarde ce qui est en train de se passer au Portugal et en Grande-Bretagne, il y a une nouvelle vague qui s’en vient », estime-t-elle.

Pour sa part, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) assure au Devoir que « l’ensemble des CSS [centres de services scolaires] et des CS [commissions scolaires] ont des projets, réalisés ou prévus, en lien avec la qualité de l’air intérieur dans leurs bâtiments ».

Les CSS et les CS prévoient notamment investir 225 millions de dollars pour la ventilation au cours de l’année 2022, indique le MEQ.

Même si les enfants sont généralement moins susceptibles de développer des symptômes graves de la COVID-19, ils peuvent toujours propager le virus dans leur entourage, rappelle le virologue Benoit Barbeau, professeur au Département des sciences biologiques de l’UQAM.

« Si votre système de ventilation n’est pas adéquat et que vous n’êtes pas en mesure [d’assurer] de bons changements d’air, c’est certain que vos risques de transmission sont accentués. » Et cette prévention vaut pour tous les autres virus respiratoires, souligne-t-il.

Pour l’ingénieur Stéphane Bilodeau, il est primordial de s’attaquer « à la problématique de la qualité d’air », et particulièrement dans les classes ventilées naturellement. « Temporairement, mieux vaut ouvrir les fenêtres, car quelquefois, ça va aider. C’est mieux que de ne rien faire, mais ce n’est pas une solution à long terme. C’est un plaster sur le bobo », conclut-il.

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