Les pressions persistent pour un désinvestissement des énergies fossiles à l’Université McGill

Un an après sa fracassante démission de l’Université McGill, Gregory Mikkelson fait l’école à ses enfants à la maison. Réfugié le temps de quelques mois chez ses parents, dans le nord du Wisconsin, il n’a pas encore décroché un poste dans un établissement plus démocratique et plus engagée à sauver la planète, comme il l’espère. Mais le philosophe poursuit son combat des dernières années : couper tout financement aux énergies fossiles.
« Il faut faire pression sur toutes les institutions avec lesquelles nous sommes engagées, qu’il s’agisse de nos employeurs ou de nos institutions financières, et les pousser à désinvestir », dit-il au bout du fil.
Professeur au Département de philosophie et à l’école d’environnement de l’Université McGill de Montréal depuis 2001, M. Mikkelson a officiellement quitté ses fonctions le 1er février 2020. Il militait depuis des années aux côtés du collectif Divest McGill pour éponger toute goutte de pétrole, siphonner le moindre effluve de gaz naturel et balayer jusqu’à la dernière miette de charbon du portefeuille de son employeur.
Il faut faire pression sur toutes les institutions avec lesquelles nous sommes engagées.
En décembre 2019, l’université la plus riche au Québec s’est engagée à « décarboniser » ses investissements. Elle ne retire pas systématiquement ses pions des compagnies pétrolières et gazières, mais les incite plutôt à adopter des pratiques durables. Elle module par ailleurs son argent dans d’autres industries fortement émettrices de gaz à effet de serre, comme les cimenteries, pour diminuer globalement son empreinte carbone.
Une expérience qui laisse amer
Depuis l’an dernier, l’ancien professeur donne des conférences et écrit sur son expérience mcgilloise, qui le laisse amer. Il a notamment rédigé un chapitre qui paraîtra dans la prochaine édition du livre Environmental Ethics for Canadians (Oxford University Press). « L’histoire penchera du côté du désinvestissement », y écrit-il.
Loin de se cantonner à la question financière, l’intellectuel développe dans ce texte un argumentaire beaucoup plus large, étayant la notion de « démocratie écocentrique locale », pour éviter autant que possible le naufrage environnemental. Dans ce cadre, la nature et les écosystèmes disposent d’une protection légale équivalant à celle des humains. Quant à la démocratie, son importance est capitale, surtout dans les milieux à petite échelle, comme les environnements de travail.
« Par rapport à des actionnaires à l’autre bout de la planète, les travailleurs ont un intérêt beaucoup plus grand à protéger de la pollution leur milieu de travail et leur communauté, fait valoir M. Mikkelson. […] Il y a aussi une relation entre le niveau de pouvoir des travailleurs et le nombre d’heures travaillées. En général, là où les travailleurs ont plus de contrôle, ils travaillent moins. Cela met moins de pression sur l’environnement en réduisant la production, l’utilisation de ressources et la pollution. »
Il considère qu’un manque de démocratie plombe la gouvernance de certaines universités canadiennes. À McGill, le conseil des gouverneurs, qui est majoritairement composé de figures du monde de la finance et des affaires, s’est opposé à plusieurs reprises à la sortie nette des énergies fossiles réclamée par la communauté universitaire.
« Je dirais que McGill est devenue antiécologique quand elle a refusé pour la première fois de désinvestir à la demande d’étudiants en 2013, soutient le philosophe. Elle est ensuite devenue antidémocratique en résistant à cette demande même si les organisations représentant les étudiants, les professeurs et la plupart des employés ont voté fortement pour le désinvestissement. »
En marge de ses activités intellectuelles, Gregory Mikkelson s’implique aussi auprès d’organisations militantes, dont Extinction Rébellion Québec. Il a collaboré à l’organisation, vendredi, de la journée Fossil Banks No Thanks, pour inciter les cinq plus grandes institutions financières canadiennes à retirer leurs investissements qui trempent dans les hydrocarbures. Quelques coups d’éclat — de petite ampleur, pandémie oblige — ont eu lieu devant des succursales des grandes villes du pays, dont Montréal, mais une grande partie de l’événement était virtuelle.