Une coalition pour promouvoir le plein air au Québec

Partout en région, les infrastructures consacrées au plein air — comme les sentiers pour le ski de fond — ont grand besoin d’entretien.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Partout en région, les infrastructures consacrées au plein air — comme les sentiers pour le ski de fond — ont grand besoin d’entretien.

Même si les bienfaits du plein air sur la santé sont prouvés, peu de fonds publics sont investis pour favoriser le contact avec la nature. Le milieu du plein air fait front commun pour pousser Québec à aider davantage les Québécois à renouer avec leurs acres de territoires sauvages.

Prenez le Québec, secouez-le bien fort, il en tombe des acres de forêts invitantes, des rivières impétueuses, des lacs par milliers, des kilomètres de rives baignées par un fleuve légendaire. Tous azimuts, voyez-le déployer un milieu naturel d’une exceptionnelle richesse. Pas une brochure touristique ni une vidéo promotionnelle qui n’en tire avantage : canot glissant sur la surface étale d’un lac, randonneurs au coeur d’une forêt embrasée par l’automne, chiens de traîneau filant dans l’immensité hivernale.

Le plein air est bel et bien dans notre ADN. Qu’on en soit conscient ou pas, il est au fondement de notre histoire collective, de l’âge des premiers peuples à celui de la colonisation.

Actifs de nature

 

Les bienfaits de l’activité en pleine nature sur la santé, tant physique que mentale, sont démontrés par de multiples études. La tendance est au mode de vie sain, au transport actif et à la reconnexion avec la nature. Le syndrome du déficit nature et ses conséquences sur la santé sont clairement établis : les jeunes — enfants et adolescents — élevés principalement en milieu urbain souffrent des effets néfastes de leur lien rompu avec la nature. Symptômes de TDA, dépression, anxiété, surpoids, problèmes de concentration : la facture du déficit est élevée.

En février dernier, le camp Keno, chef de file depuis 50 ans au Québec, révélait les résultats d’un sondage réalisé auprès des parents d’un enfant qui avait fréquenté un camp de vacances en plein air dans la dernière année. Quelque 90 % d’entre eux avaient constaté l’impact de cette expérience sur le comportement de leur enfant : augmentation de l’autonomie, de la confiance en soi et du sens des responsabilités. Des acquis majeurs dans la construction de l’identité des jeunes.

Alors, comment expliquer que le plein air ne soit pas mieux soutenu par les instances gouvernementales ? Car les infrastructures consacrées au plein air — sentiers, accès à l’eau, refuges — ont grand besoin d’entretien, partout en région, sans quoi elles peuvent présenter un danger aux utilisateurs du territoire et, même, devenir inaccessibles à long terme. Comment garantir la pérennité de ces acquis quand on laisse le terrain de jeu aux mains de citoyens, la plupart du temps bénévoles, qui finissent par se lasser après des années d’implication ?

L’heure de se mettre au vert

C’est tout le propos de la Coalition plein air, qui vient tout juste d’être créée officiellement par les professionnels du milieu. Sa mission consiste à « influencer les politiques et les législations publiques en faveur de la pratique des activités de plein air non motorisées ». La Coalition regroupe une vingtaine d’organismes et d’associations : fédérations, Aventure Écotourisme Québec, Vélo Québec, Association des camps du Québec, pour n’en citer que quelques-uns.

À voir les initiatives qui naissent partout en région, l’effervescence autour du plein air est palpable. « Nous sommes présentement dans un moment propice à son développement, affirme Véronique Marchand, directrice des opérations de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec, membre de la coalition. Le Grand Défi Pierre Lavoie vient d’envoyer une flotte de skis de fond dans les parcs nationaux pour encourager la pratique. On voit de plus en plus de programmes plein air dans le milieu scolaire, comme le programme Santé globale, de plus en plus d’enseignants se tournent vers les activités extérieures pour l’enseignement des disciplines. »

Avec son Expérience famille mise en place en 2015 (accès gratuit aux parcs nationaux aux 17 ans et moins), la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) a observé une augmentation de 46 % de la jeune clientèle, preuve que la réponse est bonne. Et que dire du projet pilote d’école en plein air, inspiré du modèle scandinave, qui a été mis en place en Mauricie il y a deux ans ?

Le plein air devrait bénéficier des mêmes financements que le sport

 

Investir dans l’avenir

« L’Alliance de l’industrie touristique fait tout pour vendre la destination du Québec aux marchés étrangers, explique David Lapointe, directeur général de la Société de développement des parcs régionaux de la Matawinie, partie prenante de la Coalition. Mais les petites localités et les petits joueurs en région n’ont pas les moyens de maintenir la qualité de leurs infrastructures. Le gouvernement doit prouver son engagement avec des fonds publics. »

Photo: Charles Kavanagh À voir les initiatives qui naissent partout en région, l’effervescence autour du plein air est palpable. 

Parce qu’il y a beaucoup à gagner à favoriser la pratique du plein air, et pas seulement en matière de santé publique. Selon le rapport présenté en octobre dernier par la Chaire de tourisme Transat ESG-UQAM (Étude des clientèles, des lieux de pratique et des retombées économiques et sociales des activités physiques de plein air), les activités de plein air rapportent à l’économie québécoise quelque 2,2 milliards de dollars annuels. Sans compter qu’elles créent 30 807 emplois à temps plein.

« Avec cette étude, nous voulons inciter le gouvernement à se prononcer en faveur du plein air, dit Patrick Daigle, du Département des sciences de l’activité physique de l’UQAM, et qui siège au conseil d’administration de la Coalition. Le plein air devrait bénéficier des mêmes financements que le sport. » Un investissement qui, à terme, donnerait un nouveau souffle aux professionnels locaux et qui engendrerait aussi des bénéfices indirects non négligeables.

« Nous sommes en droit d’être optimistes, dit Patrick Daigle, surtout avec l’Avis sur le plein air “Au Québec, on bouge en plein air !”, qui vient d’être lancé par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. » C’est un outil précieux qui démontre les retombées sociales, économiques et environnementales de l’industrie. « Mais c’est surtout un signe d’ouverture prometteur de la part de nos dirigeants », affirme Patrick Daigle.

Le gouvernement défendra-t-il la cause du plein air ? Le budget dévoilé il y a quelques semaines comprend un financement de 120 millions de dollars à l’attention de la SEPAQ pour les infrastructures de plein air, le patrimoine bâti, l’Aquarium de la ville de Québec et, enfin, la protection des berges et des habitats de poissons. Un signe qu’on avance dans la bonne direction.

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