Exposé d’un cafouillage policier pour l’élection de la première femme à la tête du Québec

Le soir du 4 septembre 2012, la cheffe du PQ, Pauline Marois, a remporté l’élection. Un tireur a ouvert le feu dans la salle de spectacle du Métropolis, à Montréal, le lieu de rassemblement des troupes péquistes.
Jacques Nadeau Archives Le Devoir Le soir du 4 septembre 2012, la cheffe du PQ, Pauline Marois, a remporté l’élection. Un tireur a ouvert le feu dans la salle de spectacle du Métropolis, à Montréal, le lieu de rassemblement des troupes péquistes.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et la Sûreté du Québec (SQ) n’étaient pas du tout préparés à l’élection de la première femme à la tête de l’État québécois, en 2012, a lancé Me Virginie Dufresne-Lemire lors de ses plaidoiries, dans la poursuite civile de quatre survivants de l’attentat du Métropolis. Malgré des menaces « imminentes » contre la politicienne, les effectifs policiers n’ont pas été bonifiés.

Les policiers ont commis des fautes « sans précédent », a-t-elle poursuivi jeudi dans une salle de cour du palais de justice de Montréal.

Le soir du 4 septembre 2012, la cheffe du Parti québécois (PQ), Pauline Marois, célébrait sa victoire électorale au Métropolis, à Montréal, qui était le lieu de rassemblement des troupes péquistes. Au même moment, un tireur a ouvert le feu à l’extérieur de la salle de spectacle, un endroit laissé sans surveillance policière, a souligné l’avocate, et il y a mis feu.

Richard Henry Bain a tué un technicien de scène, Denis Blanchette, et blessé sévèrement son collègue Dave Courage.

 

Mais plusieurs autres personnes ont subi de graves blessures psychologiques en conséquence de cette attaque, a soutenu Me Dufresne-Lemire, qui a intenté une poursuite contre la SQ et le SPVM.

La sécurité était déficiente et insuffisante ce soir-là, les deux forces policières n’étaient pas coordonnées — « il n’y avait pas de collaboration », a-t-elle plaidé —, et la planification pour la protection des lieux, de Mme Marois et des participants à la soirée électorale était inadéquate, a dénoncé l’avocate.

Les policiers n’ont pas effectué d’analyse pour prévoir ce qui aurait pu se passer si Mme Marois était élue, une souverainiste qui allait devenir la première femme à occuper ce poste.

Sans oublier qu’il n’y avait pas de policiers à l’arrière du Métropolis, où se trouvait une porte d’accès, là où Richard Henry Bain s’était dirigé, lourdement armé. Même lui a déclaré, après l’attaque, qu’il n’y avait pas de sécurité, a-t-elle plaidé. Bain a été condamné à la prison à vie.

Des menaces explicites

 

De plus, il y avait eu des menaces explicites à l’encontre de Mme Marois — six, dont une particulièrement inquiétante et « objectivement sérieuse » . La police n’en a pas tenu compte et n’a pas adapté ses plans, a souligné à grands traits Me Dufresne-Lemire.

Il s’agissait pourtant de menaces « imminentes » faites le jour même des élections, quelques heures avant que Mme Marois ne se rende au Métropolis.

Si les forces policières affirment qu’il n’était pas nécessaire de rehausser les mesures de sécurité, l’avocate répète de son côté qu’il fallait protéger la porte arrière quelles que soient les circonstances. Et raison de plus s’il y avait des menaces, avance-t-elle.

En raison de ces « fautes », ses clients Guillaume Parisien, Jonathan Dubé, Audrey Dulong Bérubé et Gaël Ghiringhelli ont subi des dommages psychologiques — ils ont témoigné de problèmes de drogue et d’alcool déclenchés par l’attentat, ainsi que de détresse, d’anxiété et de choc post-traumatique — pour lesquels ils réclament chacun 175 000 $ ainsi que 120 000 $ en dommages punitifs.

Certains ont été témoins du meurtre de leur ami Denis Blanchette, un événement traumatisant pour eux et un deuil à surmonter. Deux ont porté Dave Courage, blessé, à l’intérieur du Métropolis.

Lors du procès, ils ont parlé d’années gâchées, d’avoir perdu leur vie, leurs amis, leur sérénité. Sans oublier la « culpabilité du survivant », a-t-elle ajouté, car ils se sentaient coupables de ne pas y avoir laissé leur peau comme leur collègue. 

Après dix ans, la souffrance est encore palpable, a-t-elle souligné.

 

Les plaidoiries dans ce procès, qui a commencé à la fin du mois de mars, doivent se poursuivre vendredi.

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