Nos personnalités de l’année 2021 : Farah Alibay, ingénieure en aérospatiale

Son année 2021, Farah Alibay l’a pour ainsi dire vécue sur une autre planète. Ayant été au cœur de la mission sur Mars qui a fait atterrir avec succès le robot Perseverance le 18 février dernier, elle peine à prendre la mesure de tout ce qui lui est arrivé d’extraordinaire ces derniers mois. « Ça a été la plus belle année de ma carrière jusqu’à maintenant », lance-t-elle avec enthousiasme au bout du fil.
Ayant rêvé de travailler dans une équipe qui allait « changer l’histoire », la jeune ingénieure en aérospatiale raconte avec beaucoup d’émotion cette année hors du commun sur tous les plans. « Pour moi, professionnellement, participer à une telle mission est quelque chose dont je rêvais depuis presque toujours, surtout depuis l’université. C’est LA raison pour laquelle je me suis retrouvée là », dit-elle, en admettant que le chemin pour s’y rendre n’a pas toujours été facile. « Je peux maintenant dire “mission accomplie”. »
Malgré cet atterrissage réussi, elle n’en a pas moins ressenti une grosse secousse dans sa vie personnelle. Sollicitée de toutes parts, la jeune femme de 32 ans a été subitement inondée de demandes d’entrevue, y compris dans son Québec natal, d’où a émané une grande vague de fierté qui a déferlé jusqu’à Los Angeles. « Au mois de février, je parlais à des médias presque tous les jours. C’était intense. Je ne m’attendais pas à ça », s’étonne encore Farah Alibay, qui a grandi à Joliette. « Je travaillais à l’heure de Mars, ce qui faisait que je pouvais rentrer chez moi à 4 h du matin, mais je faisais parfois une entrevue avant d’aller me coucher. Pour moi, c’est juste important de faire connaître ce que je faisais, en français aussi. »
Sa popularité est telle que la jeune ingénieure a dû se prendre un agent. « Les gens me disaient que je devais me faire aider. Mais pourquoi ? C’est pour le showbiz, les agents ! » indique en riant celle qui n’est pas moins une vedette dans son domaine.
Une année de rêve
Farah Alibay se dit encore toujours agréablement surprise de l’engouement et de la fascination qu’ont suscités cette mission et son travail au sein de l’équipe qui pilote Perseverance sur Mars. « C’est vraiment une année spéciale parce que j’ai senti que les gens avaient le temps de s’intéresser et d’essayer de comprendre ce qu’on fait à la NASA », dit celle qui est aussi une excellente vulgarisatrice. « Ça m’a tellement fait plaisir de pouvoir partager ma passion et de montrer aux jeunes qu’ils peuvent aussi vivre leur rêve. »
Avec sa longue chevelure noire aux mèches rouges, son allure décontractée et son sourire désarmant, Farah Alibay détonne par rapport à l’image du scientifique classique, ce qui semble effectivement ravir les jeunes. Au printemps dernier, elle avait croisé une étudiante de 2e année en génie aérospatial qui lui avait confié avoir été inspirée par l’une de ses conférences. « Je me suis mise à pleurer. Je me souvenais d’être allée à son école. Ça m’avait pris une heure et demie, il pleuvait, j’étais en retard. Mais j’ai vu que ça en avait valu la peine ! » raconte l’ingénieure, dont les deux parents, d’origine indienne, sont nés à Madagascar. « Moi, ça m’a manqué d’avoir des modèles quand j’étais jeune. Une femme en génie racisée et qui avait une histoire similaire à la mienne, je n’en connaissais pas. »
2021 aura aussi été une grande année pour la science. L’hélicoptère Ingenuity aura réalisé une quinzaine de vols sur Mars, et sa mission a même été prolongée. Quant à Perseverance, il aura parcouru environ trois kilomètres, sur ce qui est maintenant confirmé comme étant un ancien lac, où cinq échantillons ont déjà été prélevés. « Ça n’a pas l’air beaucoup, mais pour nous, c’est énorme d’avoir fait tout ce chemin », fait valoir Farah Alibay, en disant éprouver une grande fierté de faire partie de cette équipe, qui est devenue une famille. « Ça donne espoir de voir comment, en tant qu’humanité, on peut travailler ensemble. »