L’accusée avait un sentiment d’aversion pour la «fillette de Granby», plaide la Couronne

L’accusée avait développé un « sentiment d’aversion » et un « dégoût » pour celle qui est tristement connue comme « la fillette de Granby », a déclaré l’avocat de la Couronne dans sa plaidoirie livrée mardi aux 14 membres du jury.
C’était un moment fort attendu au palais de justice de Trois-Rivières, là où se déroule le procès criminel de la belle-mère de la petite fille. Le procureur de la Couronne, Me Jean-Sébastien Bussières, a détaillé pourquoi elle devrait être reconnue coupable de séquestration et de meurtre non prémédité.
La théorie de la Couronne est que la femme de 38 ans a laissé la fillette seule dans sa chambre après l’avoir entourée de ruban adhésif et que sa mort en a résulté. Le procureur a décrit de cette façon le matin du 29 avril 2019 : « exaspérée de devoir composer avec cette enfant qui crie et tente de retrouver sa liberté, l’accusée ira lui ajouter plus d’une fois des couches de ruban adhésif. Pour l’immobiliser complètement, elle s’assure de l’attacher “ben comme il faut” », dira-t-il, se servant des mots que l’accusée a elle-même écrits dans un texto, le jour où l’enfant a été retrouvée inconsciente sur le plancher de sa chambre.
Au procès, l’accusée avait plutôt soutenu qu’elle avait immobilisé la fillette de cette façon parce qu’elle était en crise. C’était pour éviter qu’elle se blesse et réussisse à nouveau à sortir de sa chambre par la fenêtre, avait déclaré la femme qui ne peut être identifiée par ordre de la Cour.
Pour l’immobiliser complètement, elle s’assure de l’attacher “ben comme il faut”
Est-ce un témoignage crédible ou est-ce « cousu de fil blanc ? », a demandé Me Bussières.
Animosité
Pour appuyer sa théorie selon laquelle l’accusée avait développé de l’animosité pour la fillette, l’avocat a lu à voix haute des messages textes qu’elle a envoyés au cours de l’année précédant le drame, dont celui-ci, daté du 15 mars 2019 : « Je ne suis pas capable de la regarder. »
Son interlocuteur lui demande alors : « Qu’est-ce qui se passe encore ? »
« Rien. Juste sa face me décourage », texte l’accusée.
Dans ses messages, elle se plaint du fait que la fillette lui ment et fait pipi partout, notamment sur ses vêtements et ses peluches : « je vais la laisser dans sa pisse ». Elle écrira aussi : « elle a une habitude de marde (sic) », une attitude de « frais-chier » et « elle me fait chier ». Et même, à peine quelques jours avant sa mort : « Elle me lève le cœur ».
Me Bussières ponctue sa lecture de cette phrase : « Je vous rappelle que [la fillette] a 7 ans ».
Il a expliqué aux jurés que leur analyse est importante pour bien saisir « l’état d’esprit » de la femme ce jour-là.
« Demandez-vous si vous croyez [l’accusée] quand elle vous dit qu’elle voulait protéger [la victime] en ajoutant du ruban le 29 au matin ou si ça ne s’inscrit pas plutôt dans un continuum d’animosité qui l’habite depuis si longtemps ? »
Pourquoi ne pas l’avoir prise dans ses bras ou l’avoir gardée près d’elle, à portée de vue, alors qu’elle regardait au salon des dessins animés avec un autre enfant, demande le procureur.
À noter que des ordonnances de non-publication empêchent les médias de rapporter certains témoignages : cela s’applique aussi aux portions des plaidoiries des avocats qui en font état.
Le ruban adhésif fatal
Les deux expertes qui ont témoigné s’entendent sur une chose : n’eût été le ruban adhésif sur son corps, l’enfant serait toujours en vie, a rappelé le procureur de la Couronne.
Et puisque l’accusée a fait valoir — en larmes — qu’elle n’avait jamais imaginé que le « tape » pouvait tuer la fillette, Me Bussières a aussi invité les jurés à se questionner sur les conséquences réelles de tels gestes.
« D’apposer des couches de ruban de déménagement — pas du petit scotch tape, là — par-dessus la tête, les cheveux, devant le visage : est-ce que ça constitue un danger de nature à probablement causer la mort d’une enfant ? », leur a-t-il demandé en faisant appel à leur « gros bon sens ».
Les plaidoiries étant terminées, il reste au juge à donner mercredi ses directives aux jurés avant qu’ils ne rendent leur verdict.