Nathalie Roy ne regrette rien de rien

Ministre de la Culture depuis l’élection de la CAQ, en 2018, Nathalie Roy s’est pourtant retrouvée à quelques reprises sous les projecteurs.
Photo: Francis Vachon Le Devoir Ministre de la Culture depuis l’élection de la CAQ, en 2018, Nathalie Roy s’est pourtant retrouvée à quelques reprises sous les projecteurs.

Le passage de Nathalie Roy au ministère de la Culture n’a pas été un long fleuve tranquille. À travers une pandémie qui a heurté le milieu de plein fouet, la ministre en a eu plein les bras avec les dossiers de patrimoine et une réforme du statut de l’artiste qui a tardé à se concrétiser. Mais au bout du compte, la principale intéressée défend obstinément son bilan et ne reconnaît aucune erreur majeure.

« Hors pandémie, j’ai pas mal fait tout ce que je voulais faire. Certaines fois, ça a été plus long qu’à l’habitude. Mais tout ce que j’ai dit que j’allais faire, je l’ai fait. J’ai tenu parole », soutient Nathalie Roy, qui se félicite entre autres d’avoir réussi à faire adopter à l’unanimité sa nouvelle loi sur le statut de l’artiste, après des années d’attente.

Mais sa plus grande fierté est d’avoir délié les cordons de la bourse durant la pandémie pour sauver un milieu culturel plombé par les confinements successifs. À la fin, jamais l’industrie n’aura autant été aspergée d’aides de toutes sortes, y compris le milieu de l’audiovisuel, même si les plateaux de tournage n’ont pas eu à s’arrêter sur de longues périodes. Qu’importe, ces investissements étaient primordiaux, souligne la ministre.

« Oui, cette stratégie était critiquable, et elle a été remise en question, d’ailleurs. Mais je voulais m’assurer que lors de la reprise, toutes nos institutions culturelles allaient être là. Ça n’a pas été facile, mais on a vraiment donné notre maximum. Je voulais qu’on ne perde personne. À cet égard, ma stratégie a porté fruit », explique Nathalie Roy. Le nombre de tournages au Québec atteindra un niveau record cet été, et les ventes de billets pour les spectacles en salle ont repris leur vitesse de croisière en vue de l’automne, n’a-t-elle pas manqué de faire valoir lors d’une entrevue téléphonique avec Le Devoir.

Cette entrevue de fond avec la ministre aura mis du temps à se réaliser, malgré nos demandes répétées. Durant ces quatre dernières années, Nathalie Roy a tenté de se faire discrète dans les médias. À Québec, la méfiance de la ministre de la Culture envers la presse est un secret de Polichinelle. Une réaction qui pourrait étonner, venant d’une ex-journaliste, autrefois présentatrice vedette de TQS.

« Mon rôle, ce n’est pas d’être sous les projecteurs, mais bien de m’assurer quotidiennement que les artistes, eux, le soient », répond celle qui siège à l’Assemblée nationale depuis 2012.

Ministre de la Culture depuis l’élection de la CAQ, en 2018, Nathalie Roy s’est pourtant retrouvée à quelques reprises sous les projecteurs, et pas toujours pour les bonnes raisons.

En début de mandat, nombre d’analystes politiques la perçoivent comme un maillon faible au sein du Conseil des ministres. En septembre 2019, le premier ministre lui retire le dossier de la Langue française pour le donner à Simon Jolin-Barrette.

À la même période, les départs se succèdent au ministère et à son cabinet. En quatre ans, Nathalie Roy aura connu pas moins de quatre chefs de cabinet et trois sous-ministres. « C’est comme ça dans tous les ministères. Il y a toujours beaucoup de mouvement », dit-elle, minimisant la situation, sans s’étendre davantage sur le sujet.

Plusieurs acteurs du milieu confient aussi avoir eu du mal à établir un lien avec le ministère dans les deux premières années de la législature. Dans les coulisses, on se souvient d’une ministre effacée, qu’on ne sentait pas à l’aise avec les dossiers de l’heure. Or, la pandémie marquera un tournant.

« Force est d’admettre qu’on a eu de bonnes relations dès le jour 1 de la pandémie. Le problème en temps normal, et c’est vrai pour tous les gouvernements, c’est qu’il y a trop d’intervenants entre les artistes et le ministère. Mais là, on n’avait plus le temps de s’enfarger dans les fleurs du tapis. On a été en communication directe, et c’est pour ça qu’on a été aussi efficaces », relate la présidente de l’Union des artistes, Sophie Prégent, qui va même jusqu’à souhaiter ouvertement la reconduction du mandat de Nathalie Roy à la Culture après les prochaines élections.

Le patrimoine, enjeu central

 

Même les oppositions reconnaissent que la ministre a pu arracher des budgets records pour la culture durant la crise sanitaire. On salue aussi l’adoption au début du mois de la nouvelle loi sur le statut de l’artiste, qui s’accompagne de toutes sortes de nouvelles protections en milieu de travail pour les artistes.

Mais Québec solidaire et le Parti libéral réitèrent que le patrimoine aura été le talon d’Achille de la ministre tout au long de ces quatre dernières années. Certes, une nouvelle loi a été adoptée pour mieux protéger le patrimoine bâti, mais les partis d’opposition affirment qu’elle n’a pas assez de mordant. Le dernier mandat aura entre autres été marqué par des démolitions controversées, comme celles de la maison Boileau, à Chambly, ou, plus récemment, du Domaine-de-l’Estérel.

« Les précédents ministres n’appliquaient pas la loi, à l’égard des sanctions et des poursuites qui sont possibles devant les tribunaux [contre les propriétaires qui procèdent unilatéralement à la démolition d’immeubles classés]. Eh bien nous, on a commencé à le faire », rétorque Nathalie Roy.

Au sujet du patrimoine, la critique libérale en matière de culture, Christine St-Pierre, rappelle également toute la saga de la Maison Chevalier, ce bâtiment patrimonial du Vieux-Québec vendu l’automne dernier à la famille Tanguay pour 2,2 millions de dollars. « Pour moi, ça reste sa plus grande erreur. C’est ce qui va rester. Je n’en reviens toujours pas qu’on ait vendu à des intérêts privés un bâtiment d’une aussi grande valeur, dans lequel les Québécois avaient beaucoup investi », déplore vivement la députée de l’Acadie.

Mais Nathalie Roy n’en démord pas : la vente de la Maison Chevalier au Groupe Tanguay était la chose à faire dans les circonstances. Le bâtiment demeure protégé, et la famille Tanguay s’est engagée à en ouvrir les voûtes au grand public, remarque-t-elle.

Chose certaine, la protection du patrimoine bâti demeurera un dossier majeur au cours des quatre prochaines années. Nathalie Roy sera-t-elle toujours la ministre de la Culture ? À Québec, le bruit court que le premier ministre Legault envisage de l’écarter du Conseil des ministres en cas de réélection. On parle même d’elle pour le poste de présidente de l’Assemblée nationale.

« Quand j’ai lu ça, j’ai trouvé ça très drôle. Des rumeurs, ça reste des rumeurs. Moi, mon seul souhait, c’est de continuer à être députée », assure celle qui a déjà annoncé qu’elle solliciterait un quatrième mandat en octobre prochain dans la circonscription de Montarville, située dans la région montréalaise, sur la Rive-Sud.

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