Démissions en bloc d’administrateurs du CUSM

Selon les démissionnaires, le ministre Barrette empêche le CA d’assumer pleinement son rôle, «qui consiste à gouverner les affaires du CUSM».
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

Selon les démissionnaires, le ministre Barrette empêche le CA d’assumer pleinement son rôle, «qui consiste à gouverner les affaires du CUSM».

Décrivant leur relation avec le ministre de la Santé et des Services sociaux comme étant « dans une impasse », 10 des 19 membres du conseil d’administration du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), soit tous ses administrateurs indépendants, ont claqué la porte, lundi.

Les membres démissionnaires sont Claudio Bussandri (président du conseil), Gail Campbell, Marie Giguère, David Laidley, Teresa Pacheco, Robert Rabinovitch, Janis Riven, Glenn Rourke, Melissa Sonberg et Norman Spencer.

 

Dans une lettre publiée lundi après-midi, ils dénoncent le manque de communication du ministre Gaétan Barrette. « Il ignore nos demandes visant à le rencontrer, il ne répond pas aux lettres que nous lui faisons parvenir et refuse de nous faire part du contenu de documents », énumèrent-ils.

En entrevue téléphonique, Glenn Rourke affirme que le ministre n’a pas rencontré le président du conseil depuis l’automne 2016. « C’est très difficile pour nous, parce que [dans un établissement comme le nôtre], il y a toujours des enjeux dont il faut discuter. Si on ne peut pas être à la table avec le patron, il y a un problème », explique-t-il.

M. Rourke cite aussi en exemple deux rapports concernant la gestion du mégahôpital qui ont été rendus publics avant que le conseil ait pu en prendre connaissance.

Concentration du pouvoir

 

Les administrateurs dénoncent également la trop forte concentration des pouvoirs entre les mains du ministère de la Santé depuis l’adoption de la loi 10 en 2015. « Le ministre Barrette considère notre conseil d’administration comme une pierre d’achoppement empêchant le CUSM de réaliser son plein potentiel au sein du réseau de la santé », écrivent-ils dans leur lettre de démission.

Cela se reflète notamment dans le processus de nomination du nouveau p.-d.g. du CUSM, dont le poste est vacant depuis la démission de Normand Rinfret en septembre 2016. Le conseil croit que la responsabilité de le nommer devrait lui incomber, mais, bien qu’il participe à la sélection des candidats, ce choix revient au ministre.

« Notre responsabilité et notre devoir consistent à nous concentrer sur ce qui est dans l’intérêt supérieur du CUSM. C’est pour cette raison que nous avons tous décidé de démissionner de nos postes d’administrateurs indépendants du CUSM », indiquent les démissionnaires dans leur lettre.

Ces départs ne se font pas de gaieté de coeur, précise Glenn Rourke. « Ça fait 32 ans que je suis bénévole au CUSM, imaginez comment c’est décevant et difficile de dire : “On ne peut plus rien faire, il faut démissionner.” On n’avait pas d’autres options », a-t-il déclaré au Devoir.

Barrette pas surpris

 

Cette annonce ne surprend pas le ministre Barrette. « Beaucoup de rumeurs circulaient depuis plusieurs semaines à cet effet », a-t-il affirmé en entrevue téléphonique.

Ce qui l’étonne, toutefois, ce sont les récriminations des membres démissionnaires à son égard. « La communication était quasi quotidienne avec l’administration. Il a été dit que j’avais refusé de rencontrer le conseil, ce que je n’ai pas fait », affirme-t-il.

Après avoir remercié les administrateurs pour les services qu’ils ont rendus, M. Barrette dit vouloir tourner la page. « On va procéder rapidement à la nomination d’un nouveau conseil d’administration », assure-t-il. Selon lui, cela devrait être fait d’ici la fin du mois de juillet. Ensuite, ce nouveau conseil aura la tâche de sélectionner les candidats au poste de p.-d.g., ce qui devrait prendre un mois, estime le ministre.

Appui du PQ

 

La porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, Diane Lamarre, se range dans le camp des membres démissionnaires. « Ils osent briser la loi du silence décriée dans le système. Ça prend beaucoup de courage pour tenir tête à Gaétan Barrette », affirme la députée du Parti québécois, qui a qualifié l’annonce de lundi de « majeure ».

Selon elle, le ministre de la Santé « se permet de gouverner à la place du p.-d.g. » depuis le départ de M. Rinfret il y a dix mois. Elle est d’avis que le conseil devrait avoir le dernier mot dans la nomination du prochain p.-d.g.

Ce n’est pas la première fois que des frictions entre le ministre de la Santé et l’administration d’un centre hospitalier donnent lieu à des démissions en bloc. En 2015, le président du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Jacques Turgeon, avait claqué la porte en dénonçant « une ingérence politique inacceptable et un abus de pouvoir » du ministre Barrette.

Cinq membres du conseil d’administration, dont le président Jacques Deschênes, avaient aussi démissionné dans la foulée du départ du p.-d.g.

Selon M. Barrette, il n’y a aucun lien entre les départs au CUSM et ceux au CHUM. « C’est complètement différent, dit-il. Le débat était d’un tout autre ordre. »

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