Détournement du fleuve Rupert - Révérence Rupert dénonce une fois de plus le processus d'évaluation

Un barrage de 20 mètres retiendra 70 % de l’eau de la Rupert à cet endroit, connu comme le kilomètre 314. Le niveau ainsi rehaussé pourra franchir la limite nord du bassin versant, sur la gauche de notre photo, et s’écouler vers le bassin de l
Photo: Un barrage de 20 mètres retiendra 70 % de l’eau de la Rupert à cet endroit, connu comme le kilomètre 314. Le niveau ainsi rehaussé pourra franchir la limite nord du bassin versant, sur la gauche de notre photo, et s’écouler vers le bassin de l

Après plusieurs soirées d'opposition tumultueuse dans les communautés cries de la Baie James, l'audience fédérale-provinciale sur le détournement du fleuve Rupert, à la Baie James, commençait hier soir dans la métropole. Mais les critiques du projet n'en étaient pas moins acerbes.

Révérence Rupert, le groupe environnemental qui regroupe des Québécois et quelques Cris opposés au détournement du majestueux fleuve de la Baie James, estime que les audiences fédérales-provinciales qui démarraient hier dans la métropole, constituent une parodie d'évaluation publique.

Un point de vue que ne partagent pas les très nombreux agents économiques et professionnels qui vont monopoliser cette plate-forme publique tout au long de la semaine pour y appuyer méthodiquement le point de vue d'Hydro-Québec.

Pour Nicolas Boisclair, porte-parole du groupe environnemental qui stimule depuis des années l'opposition au projet hydro-québécois, les délais pour étudier le projet du gouvernement Charest ont tellement été écourtés et l'aide financière offerte aux groupes étant tellement en deçà de toutes les normes, qu'on ne peut pas parler d'une consultation publique conforme aux règles de l'art.

Révérence Rupert n'a d'ailleurs pas pu déposer son mémoire hier soir, faute de moyens pour mener l'opération à terme. Son porte-parole a promis de le remettre à la commission d'ici à la fin des travaux de consultation, qui ont démarré il y a quelque temps à la Baie James et qui vont s'y poursuivre d'ici à la fin mai.

À la Baie James, les audiences sur ce projet avalisé par la Paix des Braves et le traité subsidiaire de Boumhounan ont été très houleuses même si les deux ententes accordent un accord de principe à la dérivation de la Rupert et à la construction de la centrale hydroélectrique Eastmain 1a.

La Rupert sera coupée à 314 km de son embouchure par une digue de plus de 20 mètres. L'eau ainsi relevée pourra basculer dans le bassin versant voisin et aboutit dans le réservoir Eastmain. L'importance de cet apport d'eau — 450 mètres cubes à la seconde et 700 m3 en crue — a forcé Hydro-Québec Production a ajouter une autre centrale sur le réservoir Eastmain. Ce nouvel équipement ajoutera 800 MW en puissance et 8,5 TWh en énergie.

Révérence Rupert a dénoncé la manoeuvre agréée dans la Paix des Braves, qui sort littéralement le public du débat en le privant de temps et de moyens pour réaliser une contre-expertise critique du projet. La Paix des Braves précise qu'une décision sera prise 24 mois après l'avis de projet. Mais, explique Nicolas Boisclair, Hydro a accumulé les délais de sorte que les Cris ont obtenu les dernières informations d'Hydro-Québec le 11 janvier et qu'ils devaient remettre leurs observations et mémoires pour le 20 janvier sur les 2500 pages de l'étude d'impacts. En somme, si Hydro-Québec prend du temps, le compteur ne s'arrête pas et comprime la portion dévolue au public, précise Nicolas Boisclair.

Ce dernier ajoute que l'aide financière pour réaliser ce travail rigoureux n'est pas au rendez-vous.

Les groupes environnementaux, dit-il, qui participent à l'évaluation environnementale du pipe-line du fleuve Mackenzie ont deux millions d'aide financière à leur disposition. La Régie de l'énergie a mis un million à la disposition des groupes environnementaux dans le dossier du Suroît, ce qui a permis de démontrer l'intérêt de la filière éolienne et d'en faire un des fleurons de la nouvelle politique énergétique du Québec. En comparaison, on a accordé une «pitance» totale de 82 000 $ pour contre-expertiser le projet de la Rupert, pourtant tout aussi important par son ampleur et ses impacts avec notamment l'ennoiement de 365 km de bonnes terres, ce qui suscitera une importante contamination au mercure pendant une génération.

Révérence Rupert ne pourra donc élaborer et chiffrer une solution de rechange, un mélange d'hydro-électricité et d'éolien, au lieu de priver la Rupert de la moitié de son eau à son embouchure, à Waskaganish, de 70 % au point de coupure, et qui va transformer le puissant cours d'eau en une enfilade de lacs reliés par un débit famélique.

Révérence Rupert estime enfin que les Québécois vont être doublement les dindons de cette parodie d'audience car, à son avis, l'électricité fort économique tirée de la Rupert aboutira en Ontario et aux États-Unis car Hydro-Québec Production n'a aucun contrat qui démontre qu'elle rencontre des besoins d'ici. Hydro-Québec Distribution, affirme Nicolas Boisclair, préférera satisfaire les besoins québécois avec des achats plus coûteux, voire aux États-Unis, pour faire grimper rapidement les tarifs québécois. Et pendant ce temps, l'électricité produite à bon marché grâce à cette dérivation sera vendue à fort prix, privant les Québécois de cette rente sur leur investissement.

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