Un budget de 6 milliards, en hausse de 8,1%

Le budget de la Ville de Montréal franchira le cap des 6 milliards de dollars en 2020. Malgré des dépenses qui bondiront de 8,1 % par rapport à l’année précédente, l’administration Plante-Dorais assure qu’elle garde le contrôle sur les finances de la Ville. Les Montréalais, eux, verront leurs taxes augmenter en moyenne de 2,1 %.
« C’est un budget qui non seulement regarde en avant au niveau des grands objectifs, mais qui fait beaucoup de place au quotidien », a fait valoir la mairesse Valérie Plante, qui présentait lundi le 3e budget de son administration en compagnie du président du comité exécutif, Benoit Dorais. « On est collés à notre capacité de payer. »
Le budget de fonctionnement de la Ville atteindra 6,17 milliards en 2020, alors que les investissements au cours des trois prochaines années, qui figurent dans le Programme triennal d’immobilisations (PTI) 2020-2022, s’élèveront à 6 milliards de dollars.
Les arrondissements où les hausses moyennes sont les plus élevées sont Verdun (3,2 %), le Plateau-Mont-Royal (3,1 %) et Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce (3,1 %), suivis de Ville-Marie (3,0 %). Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles connaîtra un gel.
La part de la hausse imposée par la ville-centre au secteur résidentiel se situe autour de 1,8 %. Ce sont donc les taxes d’arrondissement qui font augmenter la facture globale, à 2,1 %.
Le secteur non résidentiel devra assumer une hausse moyenne de taxes de 1,5 %. Montréal continuera toutefois d’offrir un allégement fiscal pour les commerces locaux en octroyant une baisse de taxes de 12,5 % sur la première tranche de 650 000 $ d’évaluation. L’an dernier, le programme avait permis à 90 % des commerçants de bénéficier d’une baisse de taxes, selon l’administration.
« Hors de contrôle »
Benoit Dorais a tenté de se faire rassurant au sujet de la hausse des dépenses. Une part des 463 millions supplémentaires que comptera le budget est attribuable à l’augmentation de 190 millions de la stratégie de paiement au comptant des immobilisations. Québec assumera un montant 150 millions dans le cadre de l’entente Réflexe Montréal, a-t-il précisé. Et un montant de 63,2 millions proviendra de la Société d’habitation du Québec et de la Communauté métropolitaine de Montréal pour des logements sociaux. « Les dépenses réelles sont [en hausse] de 3,7 % », a soutenu M. Dorais. « Le poids assumé par les Montréalais en taxation diminue encore cette année. »
L’opposition ne voit pas la situation du même oeil. Elle estime que la Ville a perdu le contrôle de ses dépenses. « C’est une administration dépensière et irresponsable », a indiqué le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez. « Cette année, on a une augmentation [des dépenses] de 8,1 %. Quand on regarde le cumul des trois années, on parle de 17,6 % et près d’un milliard. C’est du jamais vu à Montréal. Ils sont en train de continuer à s’endetter de façon astronomique. »
L’opposition s’inquiète aussi du taux d’endettement de Montréal, qui équivaudra à 111 % des revenus de la Ville l’an prochain. Ce taux élevé se maintiendra jusqu’en 2026, a même prévenu l’administration. « S’il y a une récession, on va être mal pris », croit le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa.
Benoit Dorais rejette ces critiques. « On est dans une gestion de la dette qui est tout à fait correcte. Beaucoup de municipalités peuvent aller nettement au-dessus du 100 % », a-t-il dit. Selon lui, les agences de notation ont été rassurées, car le coût de la gestion de la dette représente 12,1 % de l’ensemble des dépenses de la Ville, bien en deçà du seuil maximum permis de 16 %.
Transport et compteurs d’eau
Le PTI 2020-2022 prévoit des dépenses de 6 milliards de dollars, soit environ 2 milliards par année. Les infrastructures de l’eau et des routes accapareront 3,1 milliards.
L’offre de transport collectif et actif sera améliorée avec les investissements de 2,1 milliards attribués à l’urbanisme et à la mobilité. Montréal augmentera sa contribution à l’Autorité régionale de transport métropolitain de 69 millions, destinés notamment à la mise en service de nouveaux autobus. Elle haussera aussi son financement à Bixi afin de lui permettre d’ajouter 2200 vélos à assistance électrique. De son côté, l’Escouade mobilité verra son financement accru de 55 %.
La Ville consacrera 624,7 millions à l’acquisition d’espaces verts, à leur préservation et aux sports. Une somme de 202 millions sera consacrée au secteur de l’habitation. Au chapitre des effectifs, la Ville comptera 402,9 années‐personnes de plus en 2020, dont 33 postes supplémentaires au service 311 ainsi que 43 pompiers et 21 brigadiers scolaires de plus.
L’année 2020 marquera aussi le début de l’implantation de l’écofiscalité pour les immeubles non résidentiels et la Ville commencera à facturer l’eau selon le volume consommé à compter de 2021. Une « facture à blanc » sera d’abord expédiée à tous les propriétaires d’immeubles non résidentiels afin de les éclairer sur les frais qu’ils devront assumer en fonction de leur consommation.
Payer comptant
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain estime que le budget « témoigne du lourd fardeau hérité de la négligence des infrastructures urbaines jusqu’au début des années 2010 ». « La mairie fait preuve de courage politique en investissant de manière importante dans des domaines peu visibles, mais prioritaires », a indiqué le président, Michel Leblanc, par communiqué.
Mais cette situation est problématique, selon André Boisclair, p.d.-g. de l’Institut de développement urbain du Québec. « Montréal demeure la ville canadienne qui, en proportion des taxes résidentielles, impose le plus les commerçants », note-t-il. Globalement, M. Boisclair parle d’un « budget adéquat », mais qui « occulte ce problème du poids de la fiscalité non résidentielle au centre-ville ».
L’augmentation du budget de fonctionnement, qui s’ajoute à celles des budgets précédents, est le fait saillant de ce budget, juge pour sa part Danielle Pilette, professeure à l’UQAM et spécialiste des finances municipales.
Elle constate aussi que l’administration poursuit le financement au comptant. « C’était commencé sous Denis Coderre que de payer les infrastructures comptant, rappelle-t-elle. On est en situation de prospérité immobilière, les taux d’intérêt sont bas, l’argent rentre. Je comprends la rationalité. Mais je suis critique de ça pour des raisons de transparence, notamment. Quand on emprunte pour une infrastructure, il faut donner un avis de motion au conseil municipal, tout le processus est discuté et publicisé. »
Mme Pilette soutient que le budget 2020 dénote « une disparité entre le discours et la pratique » chez Projet Montréal. « Le discours politique, c’est le transport en commun et le logement social [qui monopolise 2,9 % du budget]. Mais la réalité, c’est qu’on met surtout beaucoup d’argent dans les infrastructures. »
Hausses de taxes foncières en 2020 (secteur résidentiel), par arrondissement
- Ahuntsic-Cartierville : +1,4 %
- Anjou : +0,1 %
- Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce : +3,1 %
- Lachine : +1,7 %
- LaSalle : +1,6 %
- L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève : +1,2 %
- Mercier–Hochelaga-Maisonneuve : +1,2 %
- Montréal-Nord : +2,3 %
- Outremont : +2,8 %
- Pierrefonds-Roxboro : +2,0 %
- Plateau-Mont-Royal : +3,1 %
- Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles : 0 %
- Rosemont–La Petite-Patrie : +2,5 %
- Saint-Laurent : +1,4 %
- Saint-Léonard : +0,6 %
- Sud-Ouest : +2,8 %
- Verdun : +3,2 %
- Ville-Marie : +3,0 %
- Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension : +1,5 %