La question de la sécurité des parlementaires est «urgente»

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino

Des chefs apostrophés par des manifestants. Des événements politiques annulés. La sécurité des parlementaires est de plus en plus menacée et il faut donc y répondre de manière « urgente », martèle le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino. Plusieurs options sont à l’étude, y compris celles d’offrir un service de sécurité à tous les ministres et chefs de parti et de demander aux corps policiers de surveiller les menaces qui se multiplient sur les réseaux sociaux. La colline du Parlement pourrait en outre compter plus d’agents de sécurité dès cet été, fait savoir le ministre Mendicino en entrevue au Devoir.

« La situation s’est détériorée depuis quelques années. La pandémie l’a exacerbée. Mais quand les élus débattent de questions comme les armes à feu ou les décrets de vaccination, il y a un niveau de toxicité, de vitriol, de menaces qui est sans précédent à l’heure actuelle, rapporte le ministre. La situation est grave. »

L’élu de Toronto en sait quelque chose. Après avoir été ministre de l’Immigration entre 2019 et 2021, M. Mendicino a été nommé à la Sécurité publique l’automne dernier. Depuis, il doit parfois avoir recours à un service de sécurité.

Il a maintes fois été menacé. Sa famille aussi. Ses réseaux sociaux se sont une fois de plus enflammés il y a deux semaines, lorsqu’il a déposé le dernier projet de loi du gouvernement resserrant le contrôle des armes à feuet proposant de geler la vente, l’achat et l’importation d’armes de poing au Canada. Un internaute affirmait mardi que les élus du gouvernement « devraient peut-être se faire casser la gueule sur la place publique ». Le jour de Noël, après que M. Mendicino eut publié une photo de famille devant le sapin sur Instagram, un autre écrivait : « Quatre personnes mais une seule cible. »

« C’est plus intense à l’heure actuelle, en ce qui concerne le nombre de menaces et les propos qui sont publiés », affirme le ministre.

Le convoi de camionneurs comme avertissement

 

Cette colère s’était traduite par des manifestations hostiles lors de la dernière campagne électorale. Justin Trudeau s’est notamment fait lancer des cailloux lors d’un arrêt à London, en Ontario. Le premier ministre a par la suite confié à son nouveau responsable de la sécurité publique le mandat de « renforcer la sécurité des ministres et des parlementaires ».

Le convoi de camionneurs qui a pris d’assaut la rue longeant la colline du Parlement et paralysé le centre-ville d’Ottawa est venu confirmer le risque posé par ce climat social, selon M. Mendicino. « C’est à cause du barrage illégal que la situation est [devenue] plus urgente, dit-il. Il y a eu un impact sur la sécurité de tous les gens qui travaillent sur la colline. »

Depuis décembre dernier, les députés peuvent se munir d’un « bouton de panique », qu’ils conservent sur eux pour alerter la police si nécessaire. Ils peuvent faire évaluer les risques auxquels sont exposés leurs domiciles et y faire installer un système de surveillance s’il le faut. Une ligne téléphonique est aussi disponible, pour les diriger au service de sécurité adéquat en cas de besoin.

Mais le ministre Mendicino insiste sur le fait qu’il faut en faire plus. Son gouvernement est encore en réflexion. L’une des options serait d’augmenter le nombre d’agents de sécurité dans le parlement et à l’extérieur de l’enceinte parlementaire. « Je pense qu’on va faire plus d’actions pendant l’été », dit-il.

Dans un deuxième temps, le gouvernement songe à doter tous les ministres et chefs de parti politique d’un service de sécurité — ce qui se fait seulement au besoin à l’heure actuelle — ou d’un chauffeur qui serait armé — comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Le mois dernier, le leader néodémocrate, Jagmeet Singh, s’est fait pourchasser et houspiller par des manifestants, qui l’ont rapidement encerclé alors qu’il tentait de regagner son véhicule à Peterborough. Le ministre de la Justice, David Lametti, avait quant à lui dû interrompre un point de presse à Montréal parce qu’il était chahuté par un manifestant.

Les corps policiers du pays pourraient aussi être appelés à surveiller davantage les réseaux sociaux ou les forums sur le Web, afin d’y déceler et d’y évaluer les menaces à l’endroit des élus. L’enceinte parlementaire pourrait être repensée pour rehausser la sécurité et piétonniser de façon permanente la rue Wellington en face du parlement, qui est fermée aux véhicules depuis le départ des manifestants en février.

Le ministre Mendicino est sur la défensive dans ce dossier, après qu’il eut laissé entendre que les corps policiers avaient demandé au fédéral d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence pour démanteler les barrages. La Gendarmerie royale et la police d’Ottawa ont offert une version différente. M. Mendicino précise depuis qu’il a « cherché conseil auprès des services policiers ».

Nonobstant, les conservateurs réclament sa démission. Le ministre a répliqué qu’ils veulent simplement « détourner l’attention » du fait que leur cheffe intérimaire, Candice Bergen, et plusieurs de leurs députés ont « encouragé, incité les participants à cette manifestation illégale à rester là ». « C’est à eux d’offrir des excuses. Pas à moi », a déclaré M. Mendicino.

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