Flou conservateur sur les «armes d’assaut »

La promesse d’Erin O’Toole de « maintenir l’interdiction des armes d’assaut » formulée jeudi n’a pas inquiété les propriétaires d’armes, convaincus que le chef conservateur fait référence en fait aux armes déjà prohibées depuis 1977. La campagne conservatrice a refusé de préciser, vendredi, quelles armes seraient encore interdites sous un gouvernement conservateur.
Justin Trudeau a paru surpris lors du débat de jeudi soir, quand Erin O’Toole a contré son attaque sur le sujet des armes à feu. « On va maintenir les interdictions sur les armes d’assaut », s’est engagé le conservateur. « Ramener les armes d’assaut […] c’est écrit dans votre plateforme ! », a rétorqué le chef libéral.
La plateforme conservatrice propose dans les faits d’abolir le décret adopté en mai 2020, qui a pour but d’interdire plus de 1500 modèles et variantes d’armes à feu, qualifiés par le gouvernement libéral « d’armes d’assaut de style militaire ». Le document s’attaque aux libéraux qui, selon eux, « harcèlent les chasseurs et les tireurs sportifs ». Lors de la course à la chefferie conservatrice, M. O’Toole se vantait sur sa page Facebook d’être le candidat préféré des groupes de défense des propriétaires d’armes.
Justin Trudeau et des ministres de son gouvernement ont ainsi vu une contradiction dans ce récent appui conservateur à l’interdiction des armes d’assaut. Les candidats Mélanie Joly et Bill Blair ont d’ailleurs convoqué les médias vendredi pour accuser Erin O’Toole de « mentir aux gens », et d’être à la solde du lobby des armes à feu. « [Il] dit une chose aux groupes d’intérêt spéciaux, que ce soit les groupes antichoix, que ce soit le lobby des armes à feu, que ce soit ceux qui nient les changements climatiques, et il essaye de dire le contraire aux Canadiens », a de son côté lancé leur chef.
Le NPD et le Bloc québécois ont pareillement accusé les conservateurs de se contredire.
Peu d’inquiétudes
Aucun propriétaire d’armes à feu consulté par Le Devoir vendredi n’a toutefois été contrarié par la déclaration du chef conservateur. Tous ont plutôt interprété son appui à « l’interdiction des armes d’assaut » comme le maintien d’une loi de 1977 interdisant les armes automatiques.
« Les personnes qui sont plus à jour avec le sujet des armes à feu ont compris qu’il parlait d’armes automatiques. Il parlait de la loi de 1977 qui bannissait les armes d’assaut, les vraies armes d’assaut », explique Guy Morin, propriétaire d’armes et président de Tous contre un registre québécois des armes à feu.
Deux autres groupes importants de propriétaires d’armes ont effectué cette même lecture des propos d’Erin O’Toole. Pour eux, c’est JustinTrudeau qui a induit le public en erreur en qualifiant trop d’armes comme étant « d’assaut ».
« En tant qu’ancien combattant, Erin O’Toole sait qu’aucune armée du monde n’enverrait ses troupes au combat avec un [fusil] semi-automatique, un chargeur de cinq balles, ce qui est ce que Trudeau a banni », assure Tracey Wilson, vice-président de la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu, dans un courriel au Devoir. « Cette déclaration [d’Erin O’Toole] n’est pas une distanciation de la politique du Parti conservateur d’annuler le décret libéral de mai 2020 », a lui aussi tranché Blair Hagen, vice-président directeur de l’Association canadienne pour les armes à feu.
Leur explication colle également à celle du groupe PolySeSouvient, selon qui « Erin O’Toole ment aux Canadiens […] en référant à l’interdiction datant de plusieurs décennies sur les armes pleinement automatiques ». Au Devoir, la cofondatrice du groupe Heidi Rathjen dit croire que le chef conservateur « ne peut pas dire qu’il est pour les fusils d’assaut AR-15 non restreints », parce que cela est impopulaire auprès du public. « C’est seulement ceux de son bord qui comprennent qu’il n’interdira pas ces armes d’assaut. »
Pas de précisions
Le chef Erin O’Toole et son entourage n’ont pas voulu préciser, durant toute la journée de vendredi, si les conservateurs partagent la définition « d’armes d’assaut » des groupes de propriétaires d’armes ou celle communément utilisée par les médias et le gouvernement fédéral.
« On va maintenir l’interdiction des armes d’assaut, et on va travailler avec les policiers avec un processus transparent sur la sécurité publique en ce qui concerne les armes à feu, mais aussi la frontière et les gangs de rue », s’est contenté de répondre Erin O’Toole, vendredi.
Le Parti libéral propose de nouveau, après l’avoir fait en 2019, de forcer les propriétaires d’armes d’assaut de type militaire de les revendre au gouvernement ou de les rendre inutilisables. Le Bloc québécois propose de plus grandes restrictions sur les armes, notamment en ajoutant au Code criminel « une définition précise de ce qui constitue une “arme d’assaut” afin de bannir l’ensemble de ces armes. » Le NPD promet aussi de « garder les armes d’assaut et les armes de poing illégales hors de nos rues » et de s’attaquer à leur contrebande.
Avec Mylène Crête
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