Le Bloc fourbit ses armes contre le projet de loi C-32

Le porte-parole du Bloc Québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu
Photo: Valerian Mazataud Le Devoir Le porte-parole du Bloc Québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu

Le Bloc québécois entend talonner le gouvernement Trudeau sur sa réforme de la Loi sur les langues officielles. Mort au feuilleton avec les élections, le projet de loi C-32 doit être présenté au parlement dans les 100 premiers jours du nouveau gouvernement, selon la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.

La première version de cette modernisation législative — présentée en juin par Mélanie Joly — prévoit que « les consommateurs au Québec ou dans une région à forte présence francophone [auront] le droit de communiquer en français avec des entreprises privées de compétence fédérale […] ». Le texte garantit aussi que « les employés des entreprises privées de compétence fédérale travaillant au Québec ou dans une région à forte présence francophone [auront] le droit de travailler en français ». Le bilinguisme dans les tribunaux doit aussi être étendu aux juges de la Cour suprême du Canada.

Le porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu, accuse le gouvernement de faire « la promotion du bilinguisme institutionnel au Québec ». Accorder le « choix » de la langue de travail aux entreprises québécoises de compétence fédérale revient à favoriser l’anglais, selon lui. « La loi C-32 vient bloquer la possibilité d’appliquer la loi 101 aux institutions de compétence fédérale. »

« Il faut que le Québec soit le seul maître d’œuvre de sa politique linguistique », a-t-il plaidé en entrevue au Devoir, dimanche, à l’occasion du lancement d’un livre sur le déclin du français. « La Loi sur les langues officielles, quand elle arrive en conflit avec la Charte de la langue française au Québec, ça devrait être la Charte qui prévaut. »

Il pourfend « l’angle mort » du projet de loi, c’est-à-dire le financement fédéral des organismes de promotion de la langue anglaise au Québec.

« L’argent, c’est le nerf de la guerre », a-t-il clamé. « Les institutions sont tellement surfinancées qu’elles servent à angliciser les nouveaux arrivants et même une partie des francophones. […] La loi C-32 ne touche pas à ça. Elle devrait toucher à ça. » Son parti prévoit diffuser le mois prochain une étude des comptes publics canadiens pour détailler ces affirmations.

Photo: Valerian Mazataud Le Devoir

Études à l’appui

Le Bloc québécois s’appuie sur les constats du démographe, mathématicien et spécialiste de la question linguistique canadienne Charles Castonguay. Ce professeur à l’Université d’Ottawa a récemment publié un livre accablant sur la situation du français au pays titré Le fiasco de la politique linguistique canadienne.

Selon son étude, près de 80 % des jeunes adultes francophones sur l’île de Montréal se disent capables de soutenir une conversation en anglais, tandis que pour les jeunes adultes du même groupe d’âge de langue maternelle anglaise, 76 % disent qu’ils sont capables de soutenir une conversation en français.

La loi C-32 vient bloquer la possibilité d’appliquer la loi 101 aux institutions de compétence fédérale.

« L’anglais est mieux connu parmi les jeunes francophones que le français est connu parmi les jeunes anglophones. Or, sur l’île de Montréal, il y a trois fois plus de jeunes francophones que de jeunes anglophones. La loi du nombre fait en sorte que c’est normalement la minorité qui est plus bilingue que la majorité. Ce n’est plus le cas », s’indigne M. Castonguay.

Le spécialiste note que l’endroit au Canada où le recul du français se constate le plus se trouve dans la région de la capitale fédérale. « Depuis la Loi sur les langues officielles initiale, le poids du français, langue maternelle, est passé de 20,5 % à 14,7 % de la population d’Ottawa, et celui du français, langue d’usage, de 17,2 % à 10,3 % », précise-t-il dans son livre.

La loi canadienne sur les langues officielles n’a pas été réformée depuis 1988.

 

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