La sous-traitance avec les OBNL encore trop opaque, conclut une étude

Selon le Bureau de l’inspecteur général, l’OBNL Montréal c’est électrique, qui a organisé la course de Formule électrique, a été utilisé pour contourner les règles d’octroi de contrats. 
Photo: Pedro Ruiz Archives Le Devoir Selon le Bureau de l’inspecteur général, l’OBNL Montréal c’est électrique, qui a organisé la course de Formule électrique, a été utilisé pour contourner les règles d’octroi de contrats. 

De nombreuses municipalités québécoises ont recours aux organismes sans but lucratif (OBNL) pour gérer leurs équipements ou organiser des événements à leur place. Cette pratique est encore trop souvent opaque, estiment toutefois des chercheurs qui se sont penchés sur ce type de sous-traitance.

Quand l’administration de Denis Coderre avait voulu organiser une course de Formule électrique en 2016, la Formula E Operation Limited (FEO) avait exigé que Montréal fasse appel à un promoteur local pour gérer l’événement. Evenko ayant refusé de prendre ce mandat, l’administration avait créé l’OBNL Montréal c’est électrique (MCE). Dans son rapport publié en 2018, le Bureau de l’inspecteur général (BIG) avait finalement conclu que MCE avait été utilisé pour contourner les règles d’octroi de contrats.

Ce type de mandat est qualifié « de façade » par l’Institut pour la démocratie économique (IDEE), qui a examiné les relations entretenues par les municipalités avec les OBNL. « La sous-traitance de façade n’a par définition aucune utilité publique, car elle sert de paravent pour un contrôle (souvent abusif) par le politique ou l’administratif. Le cas de MCE en est exemplaire », note l’IDEE dans une étude qu’il vient de publier avec l’appui du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).

Contrats de gré à gré

Professeur adjoint à l’Université Saint-Paul et membre de l’IDEE, Jonathan Durand-Folco souligne que les changements apportés à la loi 122 — adoptée en 2017 et qui reconnaissait les villes comme des gouvernements de proximité — et les responsabilités grandissantes des villes ont incité celles-ci à recourir aux OBNL. « Elles peuvent aussi passer par là pour éviter des appels d’offres publics avec des ententes de gré à gré, ce qui facilite les choses », dit-il.

Il existe cependant plusieurs types de sous-traitance impliquant les OBNL. Outre la sous-traitance de façade, l’IDEE évoque la sous-traitance « classique » et la sous-traitance « citoyenne ». Moins problématiques que la première catégorie, elles soulèvent tout de même les enjeux de transparence.

La sous-traitance de façade n’a par définition aucune utilité publique

 

L’étude cite le cas de la société SOPIAR, un organisme qui gère les installations sportives de six municipalités de la Montérégie. Ce type de sous-traitance allège la tâche des municipalités, qui peuvent compter sur l’expertise des OBNL, mais ceux-ci ne sont pas tenus à la transparence. Les chercheurs ont d’ailleurs dû recourir à la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir des informations sur les activités de SOPIAR.

L’IDEE évoque aussi le cas de Marieville, qui avait confié la gestion d’un centre sportif à un OBNL. Ayant accumulé une dette importante, celui-ci a dû cesser ses activités. Même les élus membres du CA ont eu de la difficulté à obtenir des informations sur les finances de l’organisme, signalent les chercheurs.

L’Institut s’est aussi attardé à la sous-traitance citoyenne en présentant le cas du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), qui a notamment collaboré avec des arrondissements montréalais pour la mise en place de budgets participatifs. Son autonomie et sa gouvernance ouverte réduisent les risques de corruption ou de malversation, estiment les chercheurs.

L’IDEE soumet plusieurs recommandations afin de réduire les dérapages. Il suggère ainsi aux municipalités qui voudraient créer un OBNL ou octroyer un contrat de gré à gré d’appliquer le test « TED » pour voir si leur projet répond aux critères en matière de transparence, d’expertise et de démocratie. Il recommande notamment aux villes d’étendre les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information aux OBNL dont les contrats provenant des municipalités dépassent 50 % de leurs revenus. À cet égard, Montréal oblige depuis 2018 les OBNL qui reçoivent des subventions à se soumettre à cette loi.

Les chercheurs croient par ailleurs que le gouvernement du Québec devrait préciser les dispositions de la loi 122 pour notamment assurer plus de transparence dans les contrats de sous-traitance.

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