Bordeaux, ses hommes, ses vins

Stéphane Derenoncourt dans son vignoble du Domaine de L’A
Raphael Reynier Stéphane Derenoncourt dans son vignoble du Domaine de L’A

Originaire du nord de la France, arrivé en 1982 dans le Bordelais, autodidacte, Stéphane Derenoncourt rencontre Paul Barre qui lui fait découvrir l’agriculture en biodynamie. La rencontre est décisive. Il devient rapidement maître de chai aux châteaux La Grave, La Fleur Cailleau et Moulin Pey Labrie, où s’ajoute, en 1990, Pavie Macquin. Stephan Von Neipperg (Canon La Gaffelière) fait alors appel à lui pour créer La Mondotte, qui devient un succès planétaire.

Fort désormais d’une solide réputation d’expert viticole et vinicole, Derenoncourt fonde sa société de conseil en 1999 (Derenoncourt Consultants) et acquiert sa propre
propriété en Castillon Côtes de Bordeaux, le Domaine de L’A.

La célèbre appellation girondine est-elle à la croisée des chemins ? Le Devoir l’interrogeait cette semaine sur le sujet.

Depuis la montée de l’œnologie moderne dans la dernière moitié du siècle dernier avec les Ribéreau-Gayon, Peynaud et Denis Dubourdieu, et avec la presse spécialisée qui a consacré Robert Parker au début des années 1980, où se situe votre perception de ce qu’est le vin de Bordeaux aujourd’hui ?

En 30 ans, je n’ai jamais goûté des vins aussi bons, aussi bien faits qu’aujourd’hui. On a enchaîné de très beaux millésimes, c’est rarissime : 2014, 2015, 2016 (2017 mis à part), 2018, 2019 et 2020.

L’offre est exceptionnelle, avec des vins singuliers et variés, ils vieillissent admirablement bien, le temps renforce l’expression de leur terroir.

Vous inscrivez votre démarche dans un contexte plus large accordé à la biodiversité. Est-ce, selon vous, la voie à suivre à Bordeaux et partout ailleurs sur la planète ?

La biodiversité est aujourd’hui une préoccupation majeure dans un contexte viticole où la monoculture a depuis trop longtemps dominé le paysage, à Bordeaux comme ailleurs.

La combinaison entre réchauffement climatique et climat océanique assez humide, ajouté aux effets d’une monoculture trop importante, peut constituer un véritable
casse-tête.

La priorité, désormais, c’est avant tout de bien connaître son écosystème. otre objectif est d’accompagner les propriétés viticoles dans une meilleure connaissance de leur environnement, de leurs sols et des chemins de viticulture durable qui s’offrent à elles.

Pour autant, en tant que consultant, je n’impose rien, je cherche à apporter aux propriétés que nous accompagnons les solutions les mieux adaptées.

Y a-t-il un style, une griffe, une signature Derenoncourt ? Si oui, jusqu’où l’homme doit-il imprimer sa personnalité dans l’expression des vins dont il a, en tout ou en partie, carte blanche pour les accoucher ?

Nous apportons une réflexion sur la manière de produire pour arriver à un seul but : faire un vin singulier et identitaire. Si les vins ont en commun l’expression pure du fruit et son origine, le processus de transformation et d’élevage est avant tout guidé par l’analyse des sens et vise à produire des vins équilibrés et
singuliers.

Le processus d’accompagnement que l’entreprise a mis au point permet également un passage de témoin vers les domaines. Un point très important pour les clients viticulteurs qui, grâce à un dialogue constant avec les équipes Derenoncourt Consultants, peuvent s’approprier et appliquer peu à peu ce mode de fonctionnement.

Enfin, l’idée est de tout mettre en œuvre afin que le vigneron puisse incarner son terroir.

Comment envisagez-vous l’avenir en matière de vin, à Bordeaux ou ailleurs, en fonction de la catastrophe climatique en marche ?

Pour atténuer le changement climatique, il faut observer et adapter ses pratiques. Il existe une viticulture de qualité qui invite à repenser les vignobles par l’orientation des parcelles, la conduite des palissages, la sélection végétale et l’entretien des sols. Une viticulture capable de faire face aux enjeux climatiques que doit relever le vignoble.

Les thématiques de l’écosystème, de la vie des sols, de la faune, de la flore, que soulève l’agriculture bio ou biodynamique, améliorent l’équilibre global d’une exploitation viticole et donc sa capacité à réagir plus efficacement aux aléas climatiques.

Spécial bordeaux - À grappiller pendant qu’il en reste !

Château Garraud 2016, Lalande de Pomerol (32,25 $ – 978072). Les 2016 évoquent les 2001, mais avec un peu moins de concentration. Ils évoluent gracieusement tout en se détaillant lentement. Ce Garraud offre rapidement une solide mâche, bien fraîche, avec des tanins fruités et mentholés tout en relief. Bel élevage et cohésion d’ensemble. Bavette à l’échalote grillée. (5) ★★★ ©

Château Picard 2017, Cru Bourgeois, Saint-Estèphe (33,25 $ – 11546332). Certains 2017 se boivent avec beaucoup de plaisir. Ce Picard tire son épingle du jeu en raison de la maturité de son fruit, encadré par ces tanins typiques de l’appellation qui lui assurent corps, vigueur et une belle prise de bouche. Arrive à maturité. (5) ★★★ ©

Le Lion de La Fleur de Boüard 2019, Lalande de Pomerol (36,75 $ – 14798762). Second vin du Château La Fleur de Boüard depuis 2011, ce cru composé des jeunes vignes du domaine n’a pas été privé des attentions soutenues accordées au grand vin. Les merlots y dominent, avec cette bouche à la fois fraîche et sphérique, assumée par les terroirs singuliers de l’appellation et un traitement royal en barriques (dont 15 % sont neuves). Porc grillé et viandes fumées seront ici à la hauteur. (5+) ★★★ ©

Château Pontac Lynch 2017, Margaux (59,75 $ – 12919807). Bon, il a beau être un margaux, ce n’est pas tout à fait Château Margaux, qui est situé tout près. Les cabernets, ici légèrement majoritaires, impriment déjà une fraîcheur sur des tanins souples, ponctués par des notes mentholées, balsamiques et finement boisées. L’ensemble, de moyenne densité, est prêt à être bu. (5) ★★★ ©

Château La Garde 2009, Pessac-Léognan (80 $ – 14814806). Rachetée en 1990 par la société de négoce CVBG-Dourthe Kressmann, cette propriété de 58 ha propose avec ce millésime 2009 une rare opulence, avec des parfums et une bouche bien nourrie, mûre, d’une belle densité, dont les tanins encore bien serrés commencent à livrer leur discours tertiaire. Prévoyez des plats en sauce où viandes et gigots sont à l’honneur. (5) ★★ 1/2 ©

Château Le Boscq 2009, Saint-Estèphe, Vignobles Dourthe (86,25 $ – 14814793). Ce millésime solaire annonce déjà la couleur dans le verre, puis de riches arômes de fruit au nez. Quant à la bouche, une densité de velours déclinée avec fraîcheur, structure et une longue touche de salinité en finale. À maturité, cette belle bouteille tiendra encore quelques années. Préparez un bon rôti de boeuf pour l’occasion ! (5) ★★★ 1/2 ©

Château Belgrave 2009, Vignobles Dourthe, Haut-Médoc (100 $ – 14317308). Au moment où ces lignes étaient écrites, seules huit succursales disposaient de ce 5e cru classé racheté et restructuré en 1979 par Dourthe et qui fait la part belle au cabernet sauvignon dans un millésime inscrit parmi les meilleurs de la décennie. Avec un prix qui reflète ici un millésime solaire, riche en polyphénols et en fruits, encore hautement structuré. Un rouge qui demande du temps à s’ouvrir, jouant sur le boisé, l’épicé et une touche balsamique qui ajoute à la fraîcheur. Pas spécialement complexe en bouche, mais assurant une longue présence homogène en finale. Évidemment, le rosbif sera un complice de taille à table. (5+) ★★★ ©


À grappiller pendant qu’il en reste !

Catherine 2021, Vignoble Vents D’Ange, Québec (15,10 $ – 11833690). Cette indication géographique protégée du côté de Saint-Joseph-du-Lac, où le frontenac blanc, le swenson blanc et d’autres cépages aromatiques dominent, propose une cuvée vivace et friande où le registre floral donne l’impression de fouler un verger au printemps. Un blanc sec sapide et léger, éclatant, réjouissant, à servir bien frais à vos invités de passage. (5) ★★

Bourgogne « Buissonnier » 2019, Côte Chalonnaise, Bourgogne, France (20,85 $ – 13806089). Pinot noir, quand je te tiens ! En voici une version festive et décomplexée, souple et parfumée, franche et régalante, qui ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. Tanins frais sur une bouche simple, friande et bien nette. Le poulet rôti ne battra pas de l’aile ici. (5) ★★ 1/2

Madiran 2017, Château Peyros, Famille Lesgourgues, Sud-Ouest, France (21,10 $ – 488742). Le Madirannais demeure pour moi ce pays de cocagne où la sagesse et la patience des hommes savent révéler les fruits de la terre avec une passion toujours marquée par l’authenticité du travail bien fait. On s’y régale de truffes et de porc de Bigorre, de châtaignes et de fromage fermier dans une ambiance que l’on croirait coupée du monde. Cette cuvée vieilles vignes à base de tannat et de cabernet franc résume l’ambiance avec son fruit frais et bien nourri, échafaudé sans la moindre rugosité au palais. Votre saucisson appréciera ! (5) ★★★ ©

Les Clos de Paulilles 2019, Domaine Cazes, Collioure, Languedoc-Roussillon, France (30,50 $ – 14731912). Les schistes bruns confèrent cette acuité, mais surtout cette espèce de contraction fine des tanins qui assurent aux syrahs, grenaches et mourvèdres une tenue doublée d’une fraîcheur de premier plan, et cela, malgré la grande vinosité de l’ensemble. Vin de soleil chaud et de pierre froide, de rigueur et d’émancipation, de fruits et d’épices, il gagnera à se détailler plus encore avec quatre à six ans de cave. (5+) ★★★ 1/2 ©


Légende

(5) à boire d’ici cinq ans

(5+) se conserve plus de cinq ans

(10+) se conserve dix ans ou plus

© devrait séjourner en carafe

★ appréciation en cinq étoiles



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