Étudiants étrangers 2.0

Les étudiants étrangers paient le gros prix pour étudier ici, souligne l'auteure.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les étudiants étrangers paient le gros prix pour étudier ici, souligne l'auteure.

Récemment, j’ai assisté, à Montréal, à la soutenance de thèse en informatique cognitive d’un étudiant vietnamien, dont le jury de thèse était composé de cinq professeurs d’origines diverses: algérienne, française, slave et québécoise. 

Figuraient dans ce jury des mathématiciens, informaticiens et linguistes, car les sciences dites «cognitives» regroupent un grand nombre de disciplines aussi bien de sciences pures qu’appliquées, de sciences humaines ou de la santé. C’est un champ d’études très vaste, interdisciplinaire et innovant, auquel se rattache l’intelligence artificielle.

Les collègues étudiants de ce nouveau Ph.D., qui assistaient à sa soutenance, étaient également d’origines variées, où le Québécois «pure laine» était en minorité pour ne pas dire inexistant. Cet étudiant étranger, que je connais bien, car j’ai agi à titre de «marraine» québécoise au cours des cinq années qu’a duré son doctorat à Montréal, compte s’établir au Québec, faire un post-doc, se marier et faire sa vie ici, car ses perspectives d’emploi sont nombreuses et variées dans son domaine de recherche. 

Il faut comprendre que l’université québécoise depuis les années 1970 n’est plus réservée qu’aux [seuls] fils et filles de l’élite «canadienne-française», mais [également] ouverte à toutes les classes de la société nationale comme internationale. 

Les étudiants étrangers qui ne sont pas boursiers de la francophonie ou de leur pays d’origine doivent faire d’énormes sacrifices pour venir étudier ici. Ils doivent payer des droits de scolarité «majorés» qui sont, au bas mot, quatre fois ce que doivent débourser les étudiants québécois, en plus de leurs frais de séjour dans un pays où le coût de la vie est bien supérieur au leur, les taux de change leur étant très souvent défavorables. 

Ils doivent à peu près tous travailler pendant leurs études pour joindre les deux bouts. Et lorsqu’une catastrophe quelconque (émeutes, guerre civile, tremblement de terre, etc.) survient dans leur pays d’origine et que les contacts sont rompus avec la famille, leurs sources de financement se fragilisent, de même que leur projet d’études. Un étudiant qui ne peut acquitter les droits de scolarité d’une session ne peut se réinscrire à la session suivante.

Gros prix

 

C’est faux de penser que les étudiants étrangers sont à la charge de la société québécoise. Bien au contraire, ils paient le gros prix pour étudier ici. 

Ils doivent souscrire une assurance maladie onéreuse renouvelable chaque année, et doivent démontrer qu’ils ont l’argent nécessaire pour subvenir à leurs besoins avant même de mettre pied au pays, au moment où ils font leur demande de Certificat d’acceptation du Québec et de permis d’études à un Bureau canadien des visas le plus proche de leur domicile (souvent dans un autre pays). Des données biométriques (depuis 2018), des photos et un examen médical sont requis pour les ressortissants d’un très grand nombre de pays.

Venir faire une maîtrise ou un doctorat au Québec sous-entend, au départ, un projet de vie qui peut s’altérer en cours d’études ou se raffermir. La plupart repartent dans leur pays à la fin de leurs études, vers de belles occasions pour les détenteurs de diplômes d’études supérieures (maîtrises et doctorats), acquis dans une université nord-américaine, comprenant une expérience de travail, aussi brève soit-elle, en sol québécois.

Comme me le disait l’ancien recteur de l’Université de Kinshasa, M. Mumpasi Bernard Lututala, en visite au Québec, il y a une douzaine d’années — détenteur d’une maîtrise et d’un doctorat en démographie de l’Université de Montréal, obtenus dans les années 1980 — les universités africaines peuvent offrir un grand nombre de baccalauréats (licences), mais peu de maîtrises et de doctorats. Les universités québécoises sont d’autant plus attirantes qu’elles offrent une grande variété de programmes d’études supérieures de haut niveau, à des prix qui restent relativement «abordables» pour les étudiants de pays étrangers.

Il serait extrêmement dommage de se priver des diplômés qui choisissent de faire leur vie au Québec, car ce sont des gens talentueux, motivés et entreprenants et leur intégration n’a pas coûté un sou à la société québécoise. Après trois ou cinq années passées ici, on peut présumer qu’ils connaissent suffisamment les valeurs québécoises pour faire un choix de vie éclairé. Et «qui prend mari, prend pays», dit le vieil adage!

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