Frapper où ça compte pour que se taisent les fusils

Les fusillades ont repris de plus belle dans les environs de Montréal et de Laval. La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a demandé cette semaine aux principaux corps de police quels étaient leurs besoins et leurs stratégies pour endiguer cette plaie sociale.

Après avoir investi 90 millions de dollars dans la lutte contre les armes à feu, Québec est en droit de demander aux organisations policières leur plan de match. Jusqu’à présent, la réponse policière n’impressionne pas. Dans La Presse, de hauts gradés de la police s’exprimant sous le couvert de l’anonymat demandent tour à tour qu’on laisse les policiers faire leur travail, qu’Ottawa revienne sur sa décision d’abolir les peines minimales pour les crimes par arme à feu, ou encore qu’on leur confie plus de pouvoirs pour faciliter les interpellations et les fouilles… Au détriment des libertés civiles, faut-il ajouter.

Autant de fausses bonnes idées. Sans tout connaître du secret des enquêtes, la société civile est en droit de savoir comment les policiers comptent aborder ce problème réel et urgent. Selon les données comptabilisées par le Service de police de la Ville de Montréal, 62 événements violents sont survenus dans les quatre premiers mois de 2022. Il s’agit de coups de feu, de meurtres par arme à feu et de tentatives de meurtre par arme à feu. Des citoyens craignent à raison pour leur sécurité quand des fusillades éclatent dans des quartiers autrement paisibles.

Des policiers et des procureurs tiennent un discours faussement rassurant lorsqu’ils réclament des sentences plus sévères pour les crimes commis par arme à feu. La justice n’est pas du prêt-à-porter, c’est du taillé sur mesure : à chaque contrevenant doit correspondre une peine juste et raisonnable.

S’il est vrai qu’il faut punir sévèrement les auteurs de meurtre et de tentative de meurtre, la prémisse selon laquelle la sévérité des sentences a un effet dissuasif sur les contrevenants est mal fondée. La probabilité d’être épinglé, de même que la facilité de commettre un crime ont une incidence beaucoup plus marquée sur l’opportunité criminelle.

Ne perdons donc pas de vue l’importance du travail en amont. Les armes à feu sont faciles à trouver, et elles se vendent à bas prix sur les marchés clandestins contrôlés par le crime organisé. C’est sur ces réseaux criminels aux ramifications transfrontalières qu’il faut frapper en priorité, avec force, pour espérer un retour de la quiétude en milieu urbain.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

À voir en vidéo