L’incontournable cryptomonnaie
Avec une capitalisation de 3000 milliards de dollars et plus de 200 millions d’adeptes, il est devenu difficile d’ignorer le marché de la cryptomonnaie. Souffrant toujours d’un manque de légitimité et d’acceptabilité dans sa forme de monnaie d’échange, critiquée aussi pour son minage énergivore, sa transformation en valeurs mobilières lui confère un rôle de diversification et de valeur refuge.
Lancée dans la foulée de la crise financière de 2008, la cryptomonnaie franchissait lundi la barre des 3000 milliards de dollars américains de capitalisation. Cet univers de près de 13 800 monnaies virtuelles et de 429 plateformes d’échange selon CoinMarketCap reste toutefois encore largement concentré autour du Bitcoin, qui revendique 42 % de la capitalisation, puis, loin derrière, de l’Ethereum, avec un poids de 19 %.
Et la fluctuation des cours de la monnaie numérique n’a pas perdu de son modèle erratique. À titre d’exemple, le Bitcoin chatouillait les 66 000 $US lundi. Sur un an, son cours est passé d’un bas de 14 865 $US à un sommet de 66 930 $US, soit un écart de 4,5 fois. En fait, il amorçait l’année autour des 29 000 $US pour toucher les 64 000 $US et revenir sous les 30 000 $US en juillet puis rebondir depuis. L’Agence France-Presse (AFP) pointait pour sa part vers le Shiba Inu, un cryptoactif créé pour rivaliser avec le Dogecoin, lui-même basé sur une plaisanterie, qui avait atteint fin octobre une taille théorique de 40 milliards de dollars, devenant la dixième plus grande cryptomonnaie. Mais en quelques jours, près de 10 milliards de dollars se sont évaporés. Plutôt volatil que tout cela !
Il appert que l’actuelle poussée de fièvre traduit un déplacement de fonds recherchant une protection contre l’inflation et des éléments d’actif non corrélés au marché traditionnel. Si depuis 2018, après une décennie truffée de corrections, de krach et de fraudes, le paysage monétaire a appris à cohabiter avec la présence de ces monnaies numériques, la pandémie est venue conférer aux cryptomonnaies une dimension « antisystème » ou « valeur refuge » longtemps dévolue à l’or.
Évolution des mentalités
L’évolution de la mentalité de régulateurs acceptant désormais l’idée d’une cohabitation fait également partie de l’explication. En octobre dernier, le premier fonds négocié en Bourse (FNB) américain lié au bitcoin faisait ses débuts à Wall Street. Ce FNB s’en remet aux contrats à terme liés au bitcoin. L’aspect indirect de ce placement était fondamental aux yeux du régulateur américain des marchés, la Securities and Exchange Commission (SEC), qui a régulièrement alerté sur l’importante volatilité du bitcoin, a souligné l’AFP.
De son côté, le marché canadien a vu apparaître son premier FNB basé sur Bitcoin (BTC) en février dernier. Ce FNB investit directement dans des bitcoins réglés physiquement, et non des dérivés. Le Purpose Bitcoin clôturait à 12,20 $ lundi, son cours ayant oscillé entre un bas de 5,32 $ et un sommet de 12,57 $ depuis son inscription à la cote de la Bourse.
Jusqu’ici, la SEC avait systématiquement rejeté toutes les demandes d’enregistrement qui lui avaient été soumises depuis la première, en 2013, a rappelé l’AFP. Elle dénonçait l’utilisation de monnaies comme le bitcoin à des fins d’achats illicites ou de fraude et les risques pour les marchés financiers que posent la volatilité de leur cours et la prolifération des plateformes d’échange non réglementées.
Pour leur part, les banques centrales, qui travaillent sur le développement de leur propre monnaie numérique, froncent les sourcils devant la multiplication des « stablecoins » adossés à une monnaie ou à un actif et devant la prolifération des plateformes décentralisées. Elles s’inquiètent aussi de l’action grandissante des géants technologiques dans le système financier, qui vient défier le modèle bancaire et l’intermédiation financière traditionnels.
Volatilité et produits dérivés
Si les cryptomonnaies et les cryptoactifs demeurent des éléments d’actif spéculatifs, la volatilité de leurs cours permet ainsi la création de produits dérivés conférant à la monnaie virtuelle une forme de valeur mobilière négociée sur les plateformes structurées et réglementées. On a d’ailleurs assisté à la naissance de contrats à terme à la Bourse de Chicago. D’abord sur le Bitcoin, puis sur l’Ethereum. La Bourse a même été jusqu’à introduire des minicontrats représentant 10 % du bitcoin afin d’élargir l’accès à ce marché, d’en accroître la liquidité et de réduire les marges requises, renforçant une spéculation ayant tendance à s’autoalimenter.
Les partisans de l’entrée en scène des FNB y voient un pas de plus dans la reconnaissance des devises numériques à titre d’actif, voire de placement admissible négocié en Bourse, ce qui ne peut qu’en accroître l’accès et élargir la participation à ce marché.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.