Les grands partis coude à coude
Le Canada n’a pas lésiné sur l’endettement public afin de contrer les effets des restrictions imposées en réponse à la COVID-19. Les trois grands partis fédéraux ne semblent toutefois pas en faire de cas, avec des libéraux et des conservateurs qui se font aussi rapides à vouloir ressortir la carte de crédit.
On disait en décembre que le Canada est, sur une base relative et parmi les grandes économies, le pays qui aura probablement mené l’effort de guerre le plus ressenti pour atténuer l’impact économique de la pandémie. Il était mesuré que l’effet de la détérioration de l’activité économique et de l’aide fiscale et budgétaire déployée, sous forme de déficits publics par rapport au PIB, serait 1,8 fois plus élevé au Canada que la moyenne des économies dites avancées.
Ce penchant pour l’endettement public demeure observable dans les plateformes électorales. Selon les calculs du directeur parlementaire du budget (DPB), le déficit budgétaire fédéral atteindrait les 138 milliards de dollars au terme de l’exercice 2021-2022 pour graduellement être ramené à quelque 25 milliards en 2025-2026, soit un cumul de 266 milliards sur cet horizon de cinq ans. Un gouvernement libéral ajouterait 70 milliards à ce cumul quinquennal, contre 54 milliards pour un gouvernement conservateur et 48 milliards pour un gouvernement néodémocrate.
Cela dit, le cadre financier des libéraux prévoit une réserve d’urgence liée à la COVID-19 de 15 milliards de dollars. Cette allocation prévisionnelle frôle les 28 milliards dans le plan de cinq ans du NPD, alors que celui des conservateurs n’en compte pas. En supposant que cette provision n’est pas utilisée, l’ajout à la dette des quelque 100 nouvelles initiatives proposées dans le programme libéral serait équivalent à celui qu’apporterait un gouvernement conservateur.
Sur une base comptable, la comparaison tient également au chapitre des dépenses nettes. Les nouvelles dépenses de 78 milliards de dollars sur cinq ans promises par les libéraux sont partiellement financées par de nouveaux revenus de 25,5 milliards. Dans le programme des conservateurs, les nouvelles dépenses de 60 milliards s’appuient sur à peine 9 milliards en nouveaux revenus. Chez les néodémocrates, on entre dans un autre univers, avec grosso modo 70 nouvelles initiatives totalisant quelque 215 milliards de dollars, financées par de nouveaux revenus de 166 milliards.
Dans les trois cas, le déficit cumulé entre 2021-2022 et 2025-2026 dépassera les 300 milliards de dollars — il tomberait sous les 290 milliards pour le NPD si la « prudence COVID » n’est pas exercée —, de loin au-dessus des projections stratosphériques du DPB. Mais, faible consolation, dans ces trois cas aussi, le ratio dette-PIB poursuivrait la tendance baissière dessinée dans le scénario de relance postpandémie.
Sur le plan économique, le programme libéral ajouterait 0,6 point de pourcentage à la croissance prévue du PIB en 2022, selon les calculs d’Oxford Economics, contre 0,5 pour le NPD et 0,3 pour les conservateurs. Mais quel que soit le parti, ce stimulus additionnel ajouterait près de
0,2 point à l’inflation l’an prochain, ce qui pourrait inciter la Banque du Canada à amorcer la remontée de son taux directeur plus tôt que prévu.
Quelle que soit la plateforme, on peut déplorer l’absence d’ancrage d’un plan de retour à l’équilibre budgétaire. Mais la priorité n’est pas là.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.