Il faut tracer un portrait des loisirs motorisés
Il faut féliciter la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, d'avoir mandaté la Société des établissements de plein air (SEPAQ) pour mettre au point des solutions de rechange à la présence des motoneiges dans les parcs nationaux d'ici l'hiver 2009-10 afin que ces territoires censément protégés par la loi depuis deux décennies contre le loisir mécanisé puissent enfin être appréciés dans le silence et l'absence de pollution toxique. Dire que ça fait 15 ans qu'il faut payer pour skier ou faire de la raquette dans les parcs alors que les motoneigistes y passent gratuitement! Sans compter qu'on y interdit les chiens par peur de quelques crottes, même en hiver, alors qu'on laisse ces machines cracher des toxiques à la tonne! Il faut croire qu'on a les ministères qu'on mérite...
Mais une longue expérience m'a appris à me méfier de ces engagements. Les ministres changent et respectent rarement les promesses de leurs prédécesseurs, même si ces derniers engagent le gouvernement on ne peut plus officiellement.Il suffit de penser à l'engagement public de l'ancien ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, de protéger intégralement tous les milieux humides du Québec et de soustraire le mont Orford aux spéculateurs fonciers. Son successeur, Claude Béchard, n'a respecté aucune de ces deux politiques élaborées au nom du même gouvernement. Et si la ministre Beauchamp a soustrait Orford à court terme aux spéculateurs, rien ne garantit que les solutions en préparation redonneront à ce territoire son statut de parc national. Mme Beauchamp n'a toutefois pas changé d'un iota la politique mise au point par ses fonctionnaires, qui sacrifient presque automatiquement les demandes des promoteurs qui veulent remblayer les petits milieux humides. Pis encore, à ne vouloir protéger que les sites exceptionnels, la faune de ces habitats va se raréfier et perdre du terrain, ce qui accroîtra à long terme la précarité de certaines espèces. Le fait qu'une politique du ministère de l'Environnement soit devenue une machine à fabriquer des espèces vulnérables confine à l'absurde.
Il suffit de penser à l'engagement public de l'ancien ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, de protéger intégralement tous les milieux humides du Québec et de soustraire le mont Orford aux spéculateurs fonciers. Son successeur, Claude Béchard, n'a respecté aucune de ces deux politiques élaborées au nom du même gouvernement. Et si la ministre Beauchamp a soustrait Orford à court terme aux spéculateurs, rien ne garantit que les solutions en préparation redonneront à ce territoire son statut de parc national. Mme Beauchamp n'a toutefois pas changé d'un iota la politique mise au point par ses fonctionnaires, qui sacrifient presque automatiquement les demandes des promoteurs qui veulent remblayer les petits milieux humides. Pis encore, à ne vouloir protéger que les sites exceptionnels, la faune de ces habitats va se raréfier et perdre du terrain, ce qui accroîtra à long terme la précarité de certaines espèces. Le fait qu'une politique du ministère de l'Environnement soit devenue une machine à fabriquer des espèces vulnérables confine à l'absurde.
Par contre, quand il s'agit de projets nuisibles à l'environnement, la plupart du temps, le public ne se retrouve pas devant des engagements mais devant des faits accomplis.
L'émasculation progressive de la Commission de protection du territoire agricole (CPTA), à laquelle on retire toute décision dans le dossier de Rabaska et dans celui du terrain de golf dont veut se doter l'ancien premier ministre Paul Martin, en dit plus long sur la conception de la politique d'aménagement du gouvernement que tous les discours. Mais au moins, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Claude Béchard, aura eu l'honnêteté de dire franchement qu'il faut à son avis revoir le mandat de la CPTAQ. On doit craindre que le mandat qu'il se donne de revoir la politique forestière n'aille pas dans le sens d'une privatisation accrue, comme il l'a fait pour la gestion de la réserve Dunière.
Mais revenons aux motoneiges.
Québec déplacera les sentiers actuels dans les parcs si cet engagement voit le jour. Mais où seront aménagés les futurs sentiers? Il y a de fortes chances que des citoyens de régions rurales qui bénéficient d'une belle quiétude à l'heure actuelle en héritent afin que de plus nantis profitent des parcs nationaux... Je n'en conclus pas, comme le feront certainement des motoneigistes, qu'il faut laisser les choses comme elles sont. Au contraire. Ce sont les règles qui présideront au choix des futures pistes alternatives qu'il faut scruter de près, tout comme les critères qui détermineront le choix des corridors interrégionaux par les élus des régions.
Il ne faut pas oublier que Québec a confié l'an dernier aux conférences des élus en région d'arrêter les tracés des sentiers interrégionaux à partir non pas de critères rigoureux de protection des milieux fauniques, voire des impératifs de protection du paysage et des milieux de vie humains, mais à partir des tracés définis par les clubs de motoneige. Non seulement cette politique lancée par la ministre des Transports, Julie Boulet, perdure, elle va aussi concrétiser sur le terrain une nouvelle politique de la motoneige qui va certainement accroître la pérennité de ces sentiers et peut-être même enlever définitivement aux riverains le droit de poursuivre les clubs pour nuisances anormales.
Ni débat ni étude
Or la pérennité du loisir motorisé n'a fait l'objet ni d'un débat public de fond ni même d'une étude de base de ses impacts environnementaux et sociaux. Aucune étude, en effet, ne permet de savoir au Québec combien de temps les adeptes consacrent à ce loisir et les distances parcourues chaque année. Aucune étude basée sur des moyennes d'utilisation réelle des motoneiges d'ici ne permet de déterminer la consommation réelle et l'évolution du parc de motoneiges du Québec. Pour avoir une idée de la consommation d'essence et des rejets polluants attribuables à ce loisir, il faudrait appliquer des moyennes d'utilisation validées aux différents parcs de motoneiges, enregistrées en 1995, 2000 et 2005, par exemple, pour établir cette consommation globale et déterminer ce que ces moteurs, pour la plupart à deux temps, émettent dans nos milieux naturels en hydrocarbures, en monoxyde de carbone, en composés organiques volatils, etc. Une solide étude comportementale, validée par radar, permettrait de déterminer les risques d'accident et les coûts imposés au système de santé. Des études environnementales de l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, réalisées aux parcs de Yellowstone et de Grand Teton, ont démontré que les travailleurs de ces parcs et les motoneigistes qui roulent à la file indienne absorbent des taux de toxiques qui dépassent les pires points chauds de la pollution routière à Los Angeles. Il y a véritablement de quoi s'interroger ici sur les risques courus par les pompistes des groupes de motoneiges ou par ces personnes qui roulent en groupe. Les intoxications bien documentées dont souffrent sans le savoir ces personnes exigent que Québec protège ces victimes de leur ignorance, comme il le fait pour les fumeurs. Et on ne parle pas des impacts cumulatifs sur la faune aquatique et terrestre.
Mais on ne connaît rien et on ne veut rien savoir de tout cela au Québec. Voilà pourtant un portrait de nos loisirs motorisés qu'il faudrait faire avant d'aller plus loin. Ce ne sont pas les pseudo-études économiques, qui comptabilisent les profits de l'industrie sans soustraire le passif environnemental, qui nous diront si le Québec s'engage ici sur la voie du loisir durable.
- Lecture: Un regard neuf sur le patrimoine culturel, ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec. Une consultation s'ouvre sur une révision des orientations du ministère et éventuellement de la Loi sur les biens culturels, qu'on se propose d'élargir à la protection du paysage et du patrimoine «immatériel». Lancé il y a quelques jours, ce document mérite un examen car, compte tenu de la préséance de cette loi sur les autres lois de la législature provinciale, ses impacts seront considérables et potentiellement névralgiques. Mais le partage des responsabilités qu'on esquisse entre les ministères, sans tracer la ligne de démarcation des responsabilités, mérite un examen serré. Document disponible sur www.mcc.gouv.qc.ca.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.