Boris Johnson veut mettre le Royaume-Uni au régime

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, explique «avoir perdu presque 7 kilos» et il continue dans la même veine. Il veut aussi encourager le pays tout entier à faire de même.
Photo: Stefan Rousseau Agence France-Presse Le premier ministre britannique, Boris Johnson, explique «avoir perdu presque 7 kilos» et il continue dans la même veine. Il veut aussi encourager le pays tout entier à faire de même.

On s’y croirait. Il manque la musique d’ambiance et peut-être une image « d’avant », mais la prestation vidéo de Boris Johnson pour accompagner son plan anti-obésité ressemble à s’y méprendre à une publicité pour un régime.

Le teint frais, une chemise blanche qui tombe sur un tour de taille nettement affiné, le premier ministre britannique marche d’un pas vif dans un parc, accompagné de son chien Dilyn, un petit Jack Russel.

Il explique « avoir perdu presque 7 kilos » et être déterminé à continuer à perdre du poids. Il veut aussi encourager le pays tout entier à faire de même, grâce à un plan d’action contre l’obésité dévoilé ce lundi.

La publicité, en ligne et à la télévision, pour les boissons et les aliments à haute teneur en sucre, graisses et sel, sera désormais interdite avant 21 heures. Une étude sur la suppression complète de la publicité pour les fast-foods sera lancée.

Les bons plans de type « deux pour le prix d’un » pour ce genre d’aliments ou de boissons seront également supprimés. Les magasins devront éviter de disposer ces aliments à haute teneur calorique dans des « endroits stratégiques » comme devant les caisses.

Enfin, les chaînes de restaurants et de bars avec plus de 250 employés devront obligatoirement afficher les calories pour les plats et les boissons proposés. Une large campagne de publicité du National Health Service (NHS), le service de santé publique, encourageant la population à faire plus d’exercice et à perdre du poids, sera également lancée.

« Jouer au yo-yo »

Boris Johnson a un problème de poids. Toute sa vie, il a « joué au yo-yo avec son poids, grossissant et maigrissant régulièrement », a-t-il raconté. Mais il n’est pas le seul. Le Royaume-Uni aussi a un problème de poids inquiétant. Près d’un tiers des adultes (28 %) y sont obèses.

Si l’on inclut dans cette statistique le nombre de Britanniques en surpoids, on arrive à 63 % de la population. Depuis 1993, le taux d’obésité en Angleterre a pratiquement doublé, selon des statistiques officielles (Health Survey for England).

Le problème ne concerne pas que les adultes. Il se manifeste aussi chez les enfants, très jeunes. À l’entrée à l’école primaire, à 4 ou 5 ans, la proportion d’enfants obèses est de 23 %. Ce nombre passe à 34 %, un enfant sur trois, lorsqu’ils s’apprêtent à entrer dans le secondaire, à l’âge de 11 ans.

En 2017, dans une étude publiée par l’OCDE, le Royaume-Uni était le sixième pays parmi les « plus lourds » du monde, et le deuxième d’Europe, uniquement supplanté par la Hongrie.

Le pays comptait alors 27 % d’obèses, contre une moyenne des pays de l’OCDE de 19 %. Au Japon, le plus mince des pays, le taux s’élevait à 4 %. En France, dans le peloton de tête des plus minces, à 15,3 %.

Cette différence est liée à de multiples facteurs sociaux, mais les inégalités jouent un rôle non négligeable dans l’obésité de la population. Au Royaume-Uni, les individus vivant dans les quartiers les plus pauvres ont plus de risques de devenir obèses que dans les quartiers plus favorisés.

Près de 27 % des enfants obèses à 11 ans vivaient dans les 10 % des régions les plus défavorisées. Ce pourcentage tombe à 11,4 % dans les régions les moins défavorisées.

Taxe sur les boissons sucrées

 

Déjà en 2015, le gouvernement de David Cameron avait promis de s’attaquer à ce problème, établissant un large plan d’action. En 2016, Theresa May avait pris sa succession et concrétisé une seule des mesures préconisées : une taxe sur les boissons sucrées.

Cette initiative a eu du succès puisqu’elle a conduit à une réduction par les fabricants de 29 % de la présence du sucre dans ces boissons. En revanche, les autres propositions étaient restées lettre morte, la première ministre et son gouvernement étant alors absorbés totalement et pratiquement exclusivement par la question du Brexit.

À son arrivée à Downing Street, il y a exactement un an, Boris Johnson avait balayé toute idée d’une action d’envergure sur la question et critiqué la taxe sur les boissons sucrées. « J’ai toujours eu une approche libertaire sur la question d’imposer à la population ce qu’elle doit manger ou boire », disait-il alors. Entre-temps, il a contracté la COVID-19 et passé dix jours à l’hôpital, dont trois en soins intensifs et réalisant « à quel point il était important de ne pas être en surpoids ».

« Politique de la nounou »

La semaine dernière, un rapport de Public Health England, l’autorité de tutelle du service de santé pour l’Angleterre, confirmait que l’obésité représentait un facteur aggravant pour les patients atteints de la COVID-19.

En fait, les patients obèses affichaient deux fois plus de risques de mourir du virus que les autres malades. Près de 8 % des patients en soins intensifs étaient obèses, contre 2,9 % avec un poids normal.

Lorsqu’il a attrapé la COVID-19 en avril, Boris Johnson était en net surpoids. « Je ne suis pas du genre à croire à l’État-providence, la politique de la nounou, a expliqué le premier ministre, mais perdre du poids est un des moyens de réduire les risques en rapport avec le coronavirus. »

C’est aussi un moyen de préserver les ressources du service de santé. « Si nous perdons du poids, a-t-il dit, non seulement nous serons dans une meilleure position pour lutter contre la COVID-19, mais nous aiderons aussi la NHS. 

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