Un registre de 22 000 recrues dévoilé

Il pourrait s’agir d’une mine d’or pour les services de renseignements sur le fonctionnement du groupe État islamique (EI). Mercredi soir, la chaîne de télévision privée britannique Sky News a annoncé avoir obtenu quelque 22 000 documents émanant du groupe terroriste, des listes administratives très précises de recrues du groupe, compilées à la fin 2013. Ces personnes seraient originaires de plus de 50 pays.
Selon Sky News, ces documents auraient été fournis à un de ses journalistes par un déserteur du groupe État islamique, un certain Abu Ahmed, en Turquie. Ils auraient été rassemblés sur une clé USB, elle-même volée au chef de la police de sécurité interne du groupe EI.
Parallèlement à ce « scoop », l’Allemagne annonçait que ses services de renseignement avaient également mis la main sur une cache contenant 22 000 noms de combattants du groupe EI. Le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a affirmé que ces documents semblaient authentiques et étaient en cours de décryptage. Plusieurs médias allemands, dont le quotidien Süddeutsche Zeitung et les chaînes de télévision NDR et WDR, ont également annoncé être entrés en possession de ces documents.
Incohérences
Quelle que soit l’origine exacte de ces dossiers, leur contenu est pour le moins impressionnant. Chaque fiche est assortie de 23 questions très précises : identité de la personne, nationalité, date et lieu de naissance, numéros de téléphones de proches, identité du « recruteur », niveau d’éducation de la recrue ou même groupe sanguin.
L’absolue authenticité de ces documents est remise en cause par certains experts qui relèvent quelques incohérences. Notamment le fait que la mention du décès d’une recrue soit notée par le mot tué et non martyrisé, qui serait normalement la terminologie privilégiée par le groupe djihadiste.
« Mais que ces listes soient authentiques ou pas, et même si elles datent de trois ans, leur publication représente un coup dur pour le groupe État islamique, estime Shashank Joshi, chercheur au Royal United Services Institute à Londres. Une telle nouvelle instille une once de doute, de paranoïa chez les recrues, parce qu’elle prouve que l’organisation qu’ils ont rejointe n’est pas infaillible. »
Les informations retenues contre des recrues de retour dans leur pays d’origine sont souvent obtenues par le biais d’intelligence clandestine, non exploitable devant un tribunal. Dans la mesure où les informations datent déjà de trois ans, on peut aussi supposer qu’une grande partie d’entre elles est déjà connue des services secrets. Mais « un détail ici ou là, le nom d’un recruteur, les pays traversés avant d’arriver en Syrie » pourraient permettre d’affiner le tableau de l’organisation du groupe EI, connue pour sa méticuleuse administration. Trait qu’elle a hérité d’al-Qaïda.
Des documents du même genre avaient été saisis en 2007 en Irak, près de la frontière avec la Syrie, par les forces de la coalition. Ils contenaient les noms et détails de 700 combattants étrangers qui avaient rejoint les rangs d’al-Qaïda.
La coalition bombarde des installations d’armes chimiques
Washington — La coalition internationale contre le groupe État islamique a bombardé des installations d’armes chimiques des djihadistes, sur la base d’informations venant d’un cadre du groupe capturé par les forces américaines, a confirmé jeudi le porte-parole du Pentagone, Peter Cook.La coalition « a mené de multiples frappes aériennes qui ont perturbé et dégradé la capacité de l’EI à produire des armes chimiques », a déclaré le porte-parole. La coalition a pu mener ces frappes grâce aux informations fournies par un spécialiste des armes chimiques du groupe EI. Souleimane Daoud al-Bakkar, alias Abou Daoud, était « émir de l’EI [groupe EI] pour la fabrication d’armes chimiques et traditionnelles », a ajouté M. Cook.
Souleimane Daoud al-Bakkar a été capturé la semaine dernière par une unité de forces spéciales américaine nommée ETF (Expeditionary targeting force), déployée récemment par les États-Unis en Irak, et qui a pour mission de capturer ou tuer les cadres du groupe djihadiste et d’obtenir du renseignement. L’homme a été transféré mercredi aux autorités irakiennes.
En février, le coordonnateur du renseignement américain, James Clapper, et le directeur de la CIA, John Brennan, avait pour la première fois accusé ouvertement le groupe EI d’avoir utilisé des armes chimiques en Irak et en Syrie, et notamment du gaz moutarde.