«La Corée du Sud a réagi vite et bien»

Au moment où chaque pays du monde essaie de ralentir comme il le peut l’épidémie de COVID-19 qui déferle sur son territoire en adoptant des mesures plus ou moins strictes, les regards se tournent vers la Corée du Sud, qui a réussi à juguler la transmission du virus avec une efficacité qui suscite l’admiration.
La Corée du Sud fut le deuxième pays, après la Chine, à connaître une flambée de cas de COVID-19. Contrairement à la Chine, à l’Italie, à l’Espagne et à la France, elle n’a pas imposé de confinement généralisé à toute sa population, mais elle a déployé très rapidement un programme de dépistage à large échelle accompagné d’un système de suivi des contacts que les personnes déclarées positives ont eus et seraient susceptibles d’avoir. Les autorités ont exhorté la population à rester à la maison, à éviter les rassemblements et à porter des masques. Les événements publics ont été annulés, la rentrée scolaire a été repoussée. Et la population a respecté les consignes du gouvernement de façon exemplaire.
« La Corée a réagi vite et bien. Cet effort massif de tests et de suivi des contacts a empêché une perte de contrôle de la transmission communautaire », souligne la Dre Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue au Centre de recherche du CHUM. « Mais les situations démographiques et le hasard, de même que le temps de réaction des autorités de santé publique jouent aussi un rôle. Par exemple, l’Italie a joué de malchance quand un groupe de touristes chinois probablement contagieux a visité la région du nord, dont la population est très âgée, et donc vulnérable [au virus]. »
Si au Québec on avait la même capacité de dépistage que la Corée du Sud, […] on pourrait sans doute remettre en question l’utilité de la quarantaine et du confinement des personnes qui n’ont pas été dépistées.
Singapour, Taiwan et l’Allemagne se sont inspirés de la méthode coréenne, et cette stratégie porte ses fruits. L’Allemagne a procédé à un grand nombre de tests de dépistage dès l’éclosion des premiers cas en Europe et continue à en effectuer 500 000 par semaine. « C’est en Allemagne qu’ont été créés les premiers tests de dépistage. L’Allemagne a donc testé beaucoup et de façon décentralisée, ce qui a aidé. De plus, elle a un excellent système de santé », affirme la Dre Tremblay.
« Il n’y a pas de secret. Les pays où la situation évolue le mieux sont ceux qui ont suivi à la lettre les principes de santé publique qui consistent à détecter les cas rapidement, à suivre les contacts, à isoler les personnes infectées et à instaurer des mesures de confinement selon l’ampleur de l’épidémie », rappelle la Dre Tremblay.
Capacité de dépistage
« C’est certain que si au Québec on avait la même capacité de dépistage que la Corée du Sud, et un suivi des contacts efficace et exhaustif, on pourrait sans doute remettre en question l’utilité de la quarantaine et du confinement des personnes qui n’ont pas été dépistées », affirme Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Mais peu de pays sont en mesure d’effectuer près de 25 000 tests de dépistage par jour, et ce, dans plusieurs centaines de cliniques et des drive-in, comme l’a fait la Corée du Sud. « En matière de tests de dépistage par habitant, le Québec figure en bonne place, mais il est encore loin derrière la Corée du Sud qui, en date du 20 mars, en faisait cinq fois plus », indique M. Mâsse.
De plus, au nom de la protection des données personnelles et du respect de la vie privée, peu de pays occidentaux accepteraient de pister leurs citoyens comme se l’est permis la Corée du Sud, qui recherchait toutes les personnes qu’un individu infecté avait côtoyées en retraçant tous les déplacements qu’il avait effectués avant d’être déclaré positif à partir d’images enregistrées par des caméras de surveillance, des achats qu’il avait faits avec ses cartes bancaires et des données de localisation fournies par son téléphone cellulaire. Des messages étaient même envoyés à l’entourage et au voisinage des personnes déclarées positives.
Par contre, certains pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas et la Suède n’ont instauré aucune mesure de distanciation sociale et n’ont émis que des recommandations non coercitives. La plupart de ces pays misaient sur l’immunité collective. Mais « il n’y a aucune garantie que les personnes qui ont contracté la maladie seront immunisées. Nous ne disposons pour le moment d’aucune donnée sur la COVID-19 le prouvant. Et combien de morts un pays est-il prêt à accepter pour en arriver à cette immunité collective ? D’ailleurs, le Royaume-Uni a changé son approche quand il a pris connaissance des études de modélisation [montrant combien de morts cette approche entraînerait] », prévient la Dre Tremblay. Ces derniers jours, la Suède a aussi commencé à changer son fusil d’épaule puisqu’elle a interdit les rassemblements de plus de 50 personnes et les visites dans les maisons de retraite.
Les mesures de confinement instaurées au Québec, en France, en Espagne et en Italie servent à soulager le système de santé qui autrement serait submergé et n’arriverait pas à prodiguer des soins intensifs à toutes les personnes qui en nécessitent. « Pas uniquement ! réplique l’infectiologue. En ne sortant plus de leur domicile, les gens ne contamineront plus d’autres personnes. Et l’épidémie s’estompera. De plus, l’avantage de contenir l’épidémie maintenant, ça nous donne du temps pour trouver des médicaments et un bon vaccin pour faire face aux prochaines vagues. »
Selon la Dre Tremblay, le Québec a pris « les mesures nécessaires, et dans les règles de l’art ». Elles auraient même pu être prises plus tôt, mais les gens n’auraient pas été prêts à les accepter. Elles ne sont pas trop sévères.