Orwell, l’homme derrière «1984»

Illustration tirée du livre Orwell
Photo: Dargaud Illustration tirée du livre Orwell

Orwellien. Son nom est devenu un adjectif dont on se sert pour décrire un monde dans lequel nous sommes condamnés à être surveillés et où nous croyons le contraire de ce que nous disons. Ou nous disons le contraire de ce que nous pensons. Peu importe.

Ce qualificatif fait référence à l’ouvrage le plus célèbre de George Orwell, 1984, écrit en 1948 et publié un an plus tard. Avant, il y avait eu La ferme des animaux, une fable animale et agricole portant sur les classes sociales publiée en 1945. Nous nous en souvenons, particulièrement, pour cette célèbre phrase disant : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ».

Bref, nous connaissons généralement les écrits, mais pas énormément l’homme que fut Orwell, et c’est à cet aspect que s’intéresse Orwell, une bédébio signée Pierre Christin (cocréateur de Valérian) avec, aux dessins, Sébastien Verdier.

Voici donc un point de vue intéressant, celui de nous faire découvrir la vie personnelle d’Eric Blair, de son nom véritable, né en 1903 dans une famille issue de la « frange inférieure de la classe moyenne supérieure », et qui sera, avant de devenir une figure à la fois littéraire et morale, journaliste, socialiste et combattant durant la guerre d’Espagne.

Évidemment, Christin, en bon routier de la bédé, maîtrise parfaitement son sujet. Déjà que la biographie, peu importe sa forme, se rend coupable d’une forme de trahison de son sujet parce qu’on ne peut pas tout raconter, la bédé, comme le cinéma, fait face à un défi supplémentaire à cause de son format particulier. Il faut choisir les temps forts même si, parfois, cela demande une certaine torsion du réel. En ce sens, on ne peut en vouloir à l’auteur d’avoir joué à remanier certains petits bouts de la vie d’Orwell, parce qu’il faut bien raconter une histoire captivante.

Sébastien Verdier, quant à lui, la joue totalement classique. De la ligne claire, pas très loin des comics books américains des années 1930 et 1940. Un noir et blanc bien tranché, et un sens de la perspective à toute épreuve.

Notons, aussi, la présence de dessinateurs invités (Enki Bilal, André Juil-lard, Olivier Balez, Manu Larcenet, Blutch et Juanjo Guarnido), qui viennent signer quelques pages de l’ouvrage et qui agissent un peu comme des musiciens invités. Sans casser l’ensemble, ils y ajoutent un peu de couleur, littéralement et figurativement.

Au final, un ouvrage prenant qui a l’audace de ne pas s’attaquer à une énième relecture de l’œuvre d’Orwell. Toutefois, cette bédé souffre un peu des mêmes problèmes dont sont affublés la plupart des biopics : trouver le juste équilibre entre le récit et la vérité tout en conservant une forme qui suscite l’intérêt, qui évite de tomber dans le piège de la didactique pure. Et Orwell, en ce sens, est aussi bien réussi que peut l’être ce genre d’œuvre.

Orwell

★★★ 1/2

Pierre Christin et Sébastien Verdier, Dargaud, Paris, 2019, 160 pages

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