
«Le royaume de rien du tout»: un monde à soi

Un roi, sa femme et leurs deux enfants coulent des jours paisibles et sans souci dans un royaume qui n’a rien de commun. Dans cet îlot de paix, il n’y a ni lit, ni trône, ni palais, ni couronne, ni même trésors pour agrémenter leur quotidien. Rien de tout cela parce que ce royaume est fait de ciel bleu, d’herbe verte, de soleil, de lune et surtout de temps. Du temps pour être ensemble, rigoler, s’écouter, se chatouiller, du temps pour ne rien faire aussi, beaucoup.
Dans Le royaume de rien du tout, le Johannesbourgeois Ronald Wohlman s’inscrit à contre-courant du va-et-vient incessant qui rythme la vie des Occidentaux, du vrombissement qui sert de musique de fond à un monde en perpétuel mouvement.
Présentée dans un format à l’italienne, l’histoire est construite de façon à ce que l’œil prenne le temps de s’arrêter sur chaque détail imaginé par l’illustrateur Dylan Hewitt. Il y a d’abord ce fond bleu sur lequel tranchent les personnages orangés dont la candeur, l’insouciance et la joie de vivre sont palpables.

L’immensité de ce ciel et l’absence d’encadrés repoussent d’ailleurs les limites accordées à l’imagination. Tout devient possible dans un décor aussi épuré. La disposition du texte joue aussi pour beaucoup dans l’effet de sens.
Placé en petites phrases courtes, parfois même un seul mot au-dessus de chacun des personnages, il épouse le rythme de notre respiration et nous force — inconsciemment peut-être — à ralentir la lecture, à prendre le temps de nous arrêter sur chaque moment présenté.
Les variations de plans, insistant tantôt sur l’émotion des personnages, tantôt sur l’immensité du décor dominé par un ciel étoilé et une lune pleine, s’accordent à cette plénitude qui incite à la contemplation et qui la favorise. Ode à la spontanéité, à la simplicité et à l’art presque perdu de ne rien faire, ce conte de rien du tout est au contraire riche de tous les possibles.