Des centaines de millions pour l’électrification de Ford

Le premier  ministre Justin Trudeau  a présenté  l’annonce  comme  une bonne  nouvelle pour  le secteur  québécois  de l’aluminium.
Sean Kilpatrick La Presse canadienne Le premier ministre Justin Trudeau a présenté l’annonce comme une bonne nouvelle pour le secteur québécois de l’aluminium.

Ottawa et le gouvernement ontarien mettront chacun 295 millions sur la table pour soutenir Ford dans son projet consistant à réoutiller son usine d’Oakville pour y assembler des véhicules électriques, la compagnie américaine souhaitant en faire une plaque tournante de la transition de sa flotte.

L’annonce, que le premier ministre Justin Trudeau a également présentée comme bénéfique au secteur québécois de l’aluminium, s’inscrit dans la stratégie d’Ottawa axée sur le développement accru des technologies propres, mais survient aussi au moment où plusieurs pressent le gouvernement de mettre en place des quotas de vente de voitures électriques à l’échelle pancanadienne.

Construite en 1953, l’usine fait partie du « couloir de l’industrie automobile » de l’Ontario, une grappe qui compte dans son ensemble environ 100 000 travailleurs dans la province et qui produit annuellement près de deux millions de véhicules. L’établissement d’Oakville a longtemps assemblé des voitures et des minifourgonnettes, mais un projet d’un milliard au milieu des années 2000 a permis de modifier l’installation pour la production de modèles VUS.

« Il y a une demande grandissante pour les véhicules électriques, et le Canada a le potentiel d’être un chef de file en matière de fabrication de batteries pour ces véhicules, d’électrification des transports et d’énergie propre », a dit M. Trudeau. « Que ce soit l’aluminium qui provient du Québec, ou le nickel de l’Ontario, cet investissement aura aussi un impact positif sur la chaîne d’approvisionnement. »

Il a été impossible d’obtenir les commentaires de l’Association de l’aluminium du Canada, qui représente Alcoa, l’Aluminerie Alouette et Rio Tinto.

Dans son ensemble, le projet de conversion de l’usine coûtera 1,8 milliard, ce qui permettra de maintenir 5400 emplois à terme. Le projet avait été évoqué en septembre, lorsque Ford et le syndicat Unifor ont dévoilé une entente de principe pour renouveler la convention collective. Il était alors question de lignes d’assemblage portant sur cinq véhicules électriques. Au moment de l’entente de principe, les parties avaient indiqué que la production commencerait en 2024 et que les modèles seraient graduellement ajoutés jusqu’en 2028.

Après l’annulation des rabais

Pour le gouvernement ontarien, l’investissement constitue un virage étonnant dans la mesure où les conservateurs de Doug Ford ont annulé — immédiatement après leur élection en 2018 — le programme des rabais pouvant atteindre 14 000 $ lors de l’achat d’un véhicule électrique. L’effet a été immédiat : en première moitié de 2019, les ventes ont plongé de 55 % par rapport à 2018.

Invité à dire s’il y a là un changement de cap des conservateurs sur les initiatives environnementales, M. Ford a simplement affirmé jeudi que son gouvernement « croit fermement » aux véhicules électriques.

Cette intervention remarquée d’Ottawa dans le secteur automobile, un gros contributeur aux exportations canadiennes, pourrait susciter une certaine grogne dans un autre secteur industriel : celui de l’aviation. Depuis plusieurs mois, les transporteurs aériens multiplient les demandes pour que le gouvernement Trudeau consacre une aide spécifique aux entreprises frappées par les effets de la pandémie sur les transporteurs et la constellation de fournisseurs qui gravitent autour. Airbus, par exemple, a pris position sur cette question, tout comme Aéro Montréal, la grappe aérospatiale du Québec qui a recensé 4000 pertes d’emplois sur plus de 43 000 depuis le début de la pandémie.

Dans son discours du Trône, le gouvernement Trudeau a présenté une éventuelle filière de voitures électriques et de batteries comme une façon de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction de gaz à effet de serre. « Du nickel au cuivre, le Canada dispose des ressources nécessaires à ces technologies propres. » Quant au secteur du voyage et du tourisme, il a seulement évoqué des mesures d’aide supplémentaires.

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