Les minières doivent-elles payer en cas de catastrophe?

Après la tarification du carbone pour stimuler la réduction des émissions polluantes, il serait logique de demander aux entreprises des garanties financières afin de « mieux gérer » les risques liés aux catastrophes environnementales, suggèrent des chercheurs de la Commission de l’écofiscalité du Canada.
Dans un rapport devant être publié mercredi, la Commission part d’une analyse des régimes provinciaux encadrant le secteur minier pour inciter les décideurs à considérer des garanties financières comme possibles compléments aux règles et politiques déjà en place.
« Le problème, c’est qu’on a encore trop de situations au Canada où les coûts des dommages environnementaux causés par des entreprises peuvent être transférés aux contribuables », a dit en entrevue France St-Hilaire, vice-présidente à la recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) et membre de la Commission. « C’est un déficit de responsabilité. Nous avons donc regardé des instruments financiers qui pourraient permettre de combler ce déficit. »
Si les activités minières peuvent présenter des risques, par exemple en ce qui concerne les bassins de résidus, le rapport ratisse plus large. Il mentionne notamment le cas de la société pétrolière et gazière Redwater Energy, qui a déclaré faillite en 2015 et dont le cas se retrouve aujourd’hui devant la Cour suprême. La cause oppose le syndic de faillite, qui veut que le fruit de la vente des puits encore actifs serve à rembourser les créanciers, et l’Alberta Energy Regulator, qui priorise la décontamination. La question : qui doit s’occuper des coûts liés au nettoyage de ses puits orphelins ?
Le problème, c’est qu’on a encore trop de situations au Canada où les coûts des dommages environnementaux causés par des entreprises peuvent être transférés aux contribuables
« Cette cause est lourde de conséquences », écrit la Commission dans son rapport. « Si la Cour suprême maintient le jugement de la Cour d’appel albertaine, la probabilité que la collectivité doive éponger le passif environnemental des entreprises en faillite augmentera au Canada. »
Types de risques
Deux types de risques habitent le secteur minier, selon la Commission : les dommages environnementaux, ce qui peut mener à l’éventuelle réhabilitation des sites, et les catastrophes, comme les déversements accidentels. Or, le risque de catastrophe n’est soumis à aucune tarification, signale le rapport, une absence de garantie financière qui « accentue les risques sur l’environnement ».
« On devrait, au départ, obliger les entreprises à évaluer de façon transparente et claire les risques qu’elles peuvent encourir à partir de leurs activités », dit France St-Hilaire. « Déjà, ça informe le public, le débat et le gouvernement dans ses décisions. »
La Commission lance plusieurs idées, comme la combinaison d’instruments pour les cas majeurs (seuils de couverture, mise en commun des risques de plusieurs entreprises ou plusieurs secteurs, etc.) et l’hypothèse que la société en général « devrait partager le fardeau du risque environnement seulement dans des cas précis ».
« Il y a une recherche d’équilibre là-dedans aussi. Il est clair que les exigences de garanties financières doivent être déterminées en fonction de l’estimation des risques », a dit Mme St-Hilaire. « Par contre, est-ce qu’une couverture entière des risques peut réduire l’incitatif au développement économique ? »
L’héritage des sites miniers est en soi un enjeu de taille. Le Vérificateur général du Québec (VGQ) a mentionné dans un rapport le mois dernier que le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a la responsabilité de 502 terrains contaminés liés aux mines, avec un passif environnemental évalué à 1,2 milliard. « Pour le MERN et le ministère de l’Environnement, les sommes réellement investies en réhabilitation de 2012 à 2017 représentent moins de 10 % de la valeur du passif sous leur responsabilité réelle », a écrit le VGQ.