Impôt foncier: peut-on se permettre les gels promis?

Photo: Olivier Zuida Le Devoir En 2016, les municipalités québécoises ont tiré 65% de leurs revenus de la taxation des propriétaires fonciers, ce qui signifie qu’elles dépendent en grande partie de l’évolution du marché immobilier.

Aux quatre coins du Québec, les candidats ont profité de la campagne électorale pour se livrer à l’habituelle guerre de chiffres au sujet de la principale source de revenus des municipalités : l’impôt foncier. Et s’ils ont été nombreux à promettre un répit à leurs citoyens, c’est pour gagner des votes, sans doute, mais aussi parce que le contexte économique le permet.

Cette année, plusieurs prétendants aux postes de maires se sont engagés à geler ou à baisser l’impôt foncier, les plus prudents promettant de suivre le rythme de l’inflation. À Montréal, Denis Coderre et Valérie Plante ont choisi cette dernière avenue, mais la situation est différente dans des villes comme Québec, Laval, Longueuil, Trois-Rivières et Brossard, où une douzaine de candidats ont tous promis à tout le moins un gel.

« Les municipalités sont dans une période idéale, observe le professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM Unsal Ozdilek. Les promesses peuvent être tenues parce que le marché immobilier ne fait que s’améliorer. »

En 2016, les municipalités québécoises ont tiré 65 % de leurs revenus de la taxation des propriétaires fonciers, ce qui signifie qu’elles dépendent en grande partie de l’évolution du marché immobilier.

Lorsque la valeur des propriétés augmente, les revenus des villes augmentent aussi. Et depuis quelques années, le marché immobilier québécois se porte bien, confirme le directeur général de Royal LePage Village, Georges Gaucher.

 

La plus récente étude de Royal LePage indique qu’au troisième trimestre de 2017, le prix des maisons a par exemple progressé de 6,6 % par rapport à l’an dernier dans le Grand Montréal, de 3,1 % à Québec et de 4,2 % dans la région de Sherbrooke.

M. Gaucher souligne que le marché immobilier a repris de la vigueur depuis 2014, après un court passage à vide, et que le cycle haussier devrait se poursuivre dans les prochaines années.

Plusieurs options

 

Les politiciens ont également beau jeu de promettre une baisse ou un gel de l’impôt foncier, souligne le professeur Ozdilek, puisqu’ils peuvent malgré tout équilibrer leur budget de plusieurs façons.

Certains pourraient choisir de réduire les services ou de diminuer les dépenses, alors que d’autres pourraient simplement profiter de la hausse de la valeur foncière pour toucher davantage de revenus sans augmenter le taux d’imposition.

« Ce n’est pas un hasard si les aspirants maires font de telles promesses, parce qu’ils peuvent jouer sur plusieurs paramètres », résume M. Ozdilek.

Selon le Bilan des administrations municipales sortantes publié récemment par le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, seulement 8,3 % des municipalités de la province ont choisi de compenser entièrement l’augmentation de la richesse foncière en ajustant le taux d’imposition.

Contrôle des dépenses

 

Le rapport de HEC Montréal produit par Robert Gagné, Jonathan Deslauriers et Jonathan Paré offre un autre indice pouvant expliquer les engagements de plusieurs candidats en matière de finances. Les municipalités québécoises ont beaucoup mieux contrôlé leurs dépenses au cours des dernières années.

« Le mandat qui s’achève marque un changement de cap majeur dans le milieu municipal québécois, écrivent les auteurs. Au cours des trois premières années de ce mandat, la croissance annuelle moyenne des dépenses municipales a été jusqu’à cinq fois moins rapide que celle enregistrée au cours du mandat précédent. »

De manière générale, la croissance annuelle moyenne des dépenses des municipalités québécoises est passée de 5,1 % entre 2010 et 2013, à 1,8 % entre 2014 et 2016. La croissance des dépenses observée lors du présent mandat est néanmoins supérieure à celle enregistrée au sein du gouvernement du Québec et est plus élevée que l’inflation.

Certains politiciens pourraient donc justifier leur position en invoquant le contexte économique ou l’état actuel des finances publiques municipales, mais Marie-Claude Prémont, qui enseigne à l’École nationale d’administration publique, penche pour une autre explication.

À son avis, ces promesses de gel ou de baisse de l’impôt foncier sont davantage liées à des stratégies électoralistes.

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