«Marci», une autre version de Marta

Membre du groupe TOPS, la Montréalaise Marta Cikojevic lance un premier album solo aux refrains exemplaires.
Photo: Justin Aranha Membre du groupe TOPS, la Montréalaise Marta Cikojevic lance un premier album solo aux refrains exemplaires.

À l’ère de la surinformation, de la surabondance de concerts et de festivals après deux ans de pandémie, du rouleau compresseur rap qui aplatit les palmarès sur son passage, de l’hyperpop et des canicules, Marci invite à prendre un pas de recul.

Il y a onze petites chansons à chérir sur ce premier album de la Montréalaise qui, avant de se lancer en solo, posait sa voix feutrée et ses ambiances de synthés au sein du groupe TOPS, autre merveilleux pourvoyeur de pop rock rêvasseuse. « J’avais envie d’un album amusant, familier et énergique pour chasser l’air laissé par deux ans de confinement », dit la musicienne.

Vous l’avez deviné, Marci est un pur produit de la pandémie. TOPS empêché de tourner en Europe et aux États-Unis, où le groupe s’est bâti un auditoire depuis son premier album, Tender Opposites, lancé il y a déjà dix ans, Marta Cikojevic s’est mise à écrire des chansons, « parce que, qu’est-ce qu’il y avait à faire d’autre, n’est-ce pas ? » dit-elle en ricanant, presque gênée d’ajouter sa voix à toutes celles des autres musiciens qui ont choisi de s’extraire momentanément d’un groupe pour se lancer dans le vide.

Un travail d’orfèvre

La vérité, c’est que Marta n’a jamais songé à quitter TOPS, et a même conçu Marci avec la rassurante aide de ses amis musiciens. Jane Penny chante les choeurs un peu partout sur le disque, et surtout David Carrière, réalisateur, compositeur et multi-instrumentiste, met sa touche sur les chansons de la musicienne. « Évidemment, avec David dans le portrait, ma musique comportera des similitudes » avec l’oeuvre de TOPS, reconnaît Marta.

J’avais envie d’un album amusant, familier et énergique pour chasser l’air laissé par deux ans de confinement 

« C’est pour ça que je mets toute ma personnalité en avant dans mes chansons, pour essayer de faire quelque chose de distinct. Mais je ne peux pas te mentir, ça va ressembler à TOPS, parce que travailler avec eux a du sens. On s’aime beaucoup, on aime les mêmes genres de musique, on aime écrire des chansons de cette manière. »

La comparaison sera donc inévitable, mais surtout, elle ne fait pas défaut au travail de l’autrice-compositrice-interprète. Il y a onze chansons sur cet album, et chacune d’elles frise la perfection. Du travail d’orfèvre, de la composition — ces mélodies vont vous rester en tête, garanti ! — aux textes légers comme l’insouciance à laquelle on aimerait pouvoir s’abandonner quand la planète part à la dérive.

Le timbre de voix qui rappelle celui de Sade, le sax millésimé 1983 qui sautille sur le sublime groove pop-funk d’Entertainment, les synthés rétro qui illuminent l’album, de la coulante All of Your Love en ouverture jusqu’à la surannée BB I Would Die en conclusion.

Le premier album de Marci, « une autre version de Marta », rend hommage à la simplicité du soft rock, aux chansons qui s’écoutent toutes seules, aux menus détails d’une réalisation soignée, jamais tape-à-l’oeil. C’est un disque qu’on a envie d’apporter en vacances, et l’observation fait sourire l’autrice-compositrice-interprète mont-réalaise Marta Cikojevic, là au bout de la caméra, jointe en pleine résidence de création quelque part dans le quartier branché Notting Hill, dans l’ouest de Londres. « Hier, David et moi avons fait une performance diffusée en direct sur le Web, c’était la première fois que je jouais les chansons de l’album live, dit-elle. C’était le fun, j’ai hâte de pouvoir le refaire, mais avec un orchestre complet, cette fois. »

De la pop pas « dans ta face »

Comme son ami et collaborateur Patrick Holland, qui lançait son nouvel album la semaine dernière, la jeune trentenaire trempe ses chansons dans l’époque qui a porté aux nues Boz Scaggs, le Steve Miller Band, Air Supply, Fleetwood Mac et autres figures du soft rock de la fin des années 1970-début 1980. Et ainsi vont les modes, notre époque rendant cool ces vestiges d’une radio commerciale périmée…

« Mais c’est tellement bon ! ricane encore Marta. Ce que j’aime, c’est le savoir-faire de ces musiciens. La composition des chansons est tellement intelligente, et en même temps très accrocheuse. Ils n’essaient pas d’en faire trop, et je pense que c’est toute la différence entre ce son et la pop d’aujourd’hui, jamais “dans ta face”, toujours détendu et cool. Et la réalisation de ces vieux albums est magnifique, c’est de la musique de qualité ! » insiste Marci, qui précise aussi s’être inspirée du funk-pop des années 1970.

« C’est de la musique easy going : tu peux la savourer à ton propre rythme », à l’image de l’album Marci, annoncé avec un premier extrait faisant allusion à Madonna. La chanson Immaterial Girl, qui raille la société de consommation. « Je n’ai pas vraiment écrit cette chanson comme un hommage à Madonna — que j’adore, par ailleurs — ni en réponse à Material Girl. Honnêtement, c’était simplement fait de bon coeur, et lorsqu’on l’a baptisée Immaterial Girl, c’était à la blague, bien que le sens de mon texte aille à l’opposé de ce que racontait Madonna. Et en vérité, tout le reste de l’album a aussi été composé sans qu’on se prenne trop au sérieux… »

Marci

Marta Cikojevic Sur étiquette Arbutus Records

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