La Steam Deck vit une crise d’identité

On s’attendrait à ce que le passage des jeux DirectX sur la Vulkan s’accompagne de pertes de performance, mais, au contraire, plusieurs en bénéficient. «Elden Ring», par exemple, ne souffre d’aucun des problèmes de la version PC sur la Steam Deck.
Photo: Guillaume Levasseur Le Devoir On s’attendrait à ce que le passage des jeux DirectX sur la Vulkan s’accompagne de pertes de performance, mais, au contraire, plusieurs en bénéficient. «Elden Ring», par exemple, ne souffre d’aucun des problèmes de la version PC sur la Steam Deck.

Phénoménale. Prodigieuse. Révolutionnaire. On est vite tenté par les superlatifs quand on utilise la Steam Deck pour la première fois. Mais si on assiste ici au plus grand bouleversement dans l’univers du jeu vidéo depuis au moins une décennie, tout n’est pas rose : mi-console portative, mi-ordinateur personnel, la nouvelle machine de Valve est à la fois le meilleur et le pire des deux.

Valve a fait tout un pari en lançant une console qui concurrence directement le monstre qu’est la Switch de Nintendo. Une nouvelle plateforme capable de faire rouler presque tous nos jeux PC ? Le tout pour 499 $, soit seulement 50 $ de plus que la nouvelle Switch OLED ?

Mais il existait bel et bien une niche à combler dans l’espace des PC portatifs : ces dernières semaines, l’appareil trônait en haut de la liste des meilleures ventes sur la plateforme, dépassant des succès de vente tels que Stray, Marvel’s Spider-Man et même Elden Ring.

C’est tout dire, la demande dépassant l’offre, il aura fallu cinq mois depuis le lancement de la console pour mettre les mains sur la nôtre. Commandez-en une aujourd’hui et attendez-vous à recevoir la vôtre en décembre… ou plus tard.

Une PS4 entre les mains

 

En bref, la Steam Deck est un PC ultraportable équipé d’une unité centrale AMD sur mesure combinant un processeur d’ancienne génération Zen 2 et un processeur graphique de nouvelle génération RDNA 2 similaire à ceux qu’on retrouve dans la PlayStation 5 et dans les Xbox Series S et X, mais à puissance grandement réduite. Afin de préserver la batterie, le processeur de la Steam Deck n’utilise que 15 watts, comparativement aux 180 watts des consoles nouvelle génération.

Ajoutez à cela 16 Go de mémoire vive ultrarapide DDR5 et en résulte une machine capable de performances comparables à celles de la dernière génération de consoles PlayStation 4 et Xbox One à la résolution native de l’appareil (1280 par 800 pixels).

Dark Souls 3, Guilty Gear: Strive, Dirt Rally 2.0, Valheim : dans nos tests, la Steam Deck a été capable de faire rouler nos jeux préférés avec une cadence minimum de 30 images par seconde, allant souvent jusqu’à 60, à condition d’utiliser des réglages raisonnables.

Tous les jeux qu’on a testés roulaient d’ailleurs mieux sur notre Steam Deck que sur notre AYANEO 2021, un appareil similaire à la Steam Deck, mais qui revient à près de deux fois le prix. On est loin ici de la Switch et on est très, très loin de la Game Boy Color de notre enfance.

Révolutionnaire, disait-on ? Grâce à la popularité de la Steam Deck, les développeurs PC ont maintenant une machine à cibler pour les prochaines années. Enfin un standard minimum qui bénéficiera à tous les joueurs qui n’ont pas les moyens de s’offrir des cartes graphiques haut de gamme !

Utilisateurs-testeurs

 

À sa sortie en février dernier, la critique était unanime : l’appareil est franchement impressionnant, mais incomplet. On est forcé de faire le même constat. La Steam Deck est un PC, et si elle tente d’offrir une expérience console, les choses peuvent vite se compliquer dès qu’on lève son capot.

Le nouveau SteamOS 3.0, cette fois basé sur Arch Linux plutôt que sur Ubuntu, vient avec une toute nouvelle interface sur laquelle il est facile de naviguer avec une manette.

 

La grande majorité des jeux pour PC étant conçus pour Windows, SteamOS les traduit vers Linux à l’aide de Proton, une adaptation du logiciel libre Wine. On s’attendrait à ce que le passage des jeux DirectX sur la Vulkan s’accompagne de pertes de performance, mais, au contraire, plusieurs en bénéficient. Elden Ring, par exemple, ne souffre d’aucun des problèmes de la version PC sur la Steam Deck.

Cette étape de traduction interfère par contre avec les logiciels d’antitriche dont dépendent de nombreux jeux en ligne, les rendant injouables. On pense par exemple à Rainbow Six : Siege, notre jeu de tir à la première personne compétitif préféré, qui est incompatible avec la Steam Deck.

Avec des dizaines de milliers de titres dans son catalogue, ces hics sont inévitables. Steam vient en aide aux joueurs avec son programme Steam Deck Verified, qui « garantit » une compatibilité idéale. Au moment où ces lignes étaient écrites, 1951 jeux en faisaient partie. Plusieurs jeux qui ne sont pas « vérifiés » peuvent fonctionner avec un peu d’effort, en utilisant la version expérimentale de Proton, par exemple.

Mais même en se fiant à cette liste, on se heurte parfois à un mur. Sur notre machine, Red Dead Redemption 2 cesse systématiquement de fonctionner après une quarantaine de minutes, bien qu’il fasse partie de cette liste de jeux marqués comme « jouables ».

Et malgré des mises à jour presque quotidiennes, il reste aussi plusieurs plis à lisser côté logiciel : le clavier virtuel commet parfois des erreurs, naviguer dans le magasin de jeux est souvent hasardeux, les lanceurs d’applications tiers ne sont jamais conviviaux, et on en passe.

Une plateforme ouverte

 

Mais ce qui cause les problèmes de la Steam Deck est aussi ce qui lui donne un as dans la manche face à la Switch de Nintendo : c’est un PC.

Branchez-la sur une station d’accueil USB-C connectée à un moniteur, un clavier et une souris, et en quelques clics on a accès à un système d’exploitation ouvert comparable à macOS ou à Windows.

Rédiger cet article, naviguer sur la Toile, suivre ses cours en ligne, écouter de la musique sur Spotify, communiquer avec ses copains sur Discord, retoucher des photos ou monter des vidéos pour Instagram ou TikTok, installer Windows, émuler d’autres consoles comme la PlayStation 2 ou même la Switch… Tout est possible sur SteamOS.

Car, on le répète : c’est un PC.

Et puissant comme il est, c’est peut-être le seul dont vous pourriez avoir besoin, pour autant que vous soyez enclin à bidouiller un peu.


Des ressources utiles

Proton DB. Plus exhaustive que celle de Valve, une liste gérée par la communauté des jeux compatibles avec la Steam Deck et des bogues recensés. Visitez protondb.com.

EmuDeck. Un logiciel simple à utiliser qui installe et configure automatiquement une foule d’émulateurs et qui ajoute ces jeux à l’interface principale de la Steam Deck. Visitez emudeck.com.

Lutris. Pour installer et configurer ses jeux pour PC Windows provenant de GOG et de Epic Games. Téléchargeable sur le Discovery Store.



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