«Dickinson»: Emily, après la lettre

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Il y a dans la quête de la poétesse américaine Emily Dickinson un absolu puissamment romanesque. De cette matière vivante qui finira par tenir tout entière sur des bouts de papier (1800 poèmes, dont seulement une petite dizaine publiée de son vivant), Alena Smith a tiré une comédie excentrique aux accents résolument pop qui s’avère une très chouette introduction au catalogue encore balbutiant d’Apple TV+.

À des années-lumière du biopic traditionnel, Dickinson joue la carte historique à travers ses costumes et ses décors soignés, tout en se riant ouvertement des conventions pour le reste, tant dans ses textes qu’à la caméra. Les répliques fusent, ciselées et frondeuses, tandis que les corps s’entrechoquent dans un ballet finalement très moderne. La musique, baveuse et profondément ancrée dans le présent (de Billie Eilish à Noga Erez ou Angel Olsen), accentue un décalage qui risque fort de déplaire aux puristes du genre. À raison, ce n’est pas ici que la littérature prendra le haut du pavé.

Les autres se réjouiront de voir cette idole de papier exulter : corps, cœur et esprit en ébullition. Un peu comme si on croisait Anne avec Euphoria. Alena Smith fait en effet d’Emily une ado ouvertement queer et féministe, tourmentée par un génie que tous reconnaissent, mais préfèrent cacher tant il choque au XIXe siècle. Sous le corset palpite une iconoclaste à laquelle l’actrice Hailee Steinfeld prête un bagout irrésistible. Son Emily, à la grammaire inventive, à l’esprit mordant et obsédé par la mort, s’avère en réalité très dickinsonienne. Après la lettre.

Dickinson

Sur Apple TV+, dix épisodes

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