«Shantala» dans l’oeil d’un réalisateur québécois

La deuxième édition du festival Cinédanse débute ce jeudi à Québec avec un documentaire sur la danseuse indienne de réputation internationale Shantala Shivalingappa. Lancé à Amsterdam au printemps dernier, Shantala est réalisé par un Québécois, Ezra Belotte-Cousineau.
« Faire tout un spectacle en vidéo ne m’intéressait pas ; ce qui est important pour moi, c’est le rapport direct entre artistes et public au moment de danse », explique en entrevue la danseuse charismatique, qui a déjà donné deux spectacles à Montréal — l’un de danse indienne plus traditionnel, l’autre plus contemporain —, dans le cadre de la saison 2001 de Danse Danse. Présente pour l’événement, elle livrera d’ailleurs un court solo, cocréé avec la grande et regrettée Pina Bausch, avant la projection du film.
Avec Ezra Belotte-Cousineau, elle a donc opté pour une approche mixte : immortaliser des séquences de spectacles, mais, surtout, entrer dans les coulisses d’une tournée pour mettre en valeur ses collaborations artistiques. « La caméra offre de voir la danse d’une autre manière, de connaître le travail d’un artiste plus en profondeur, sa vie et sa personnalité », souligne-t-elle. Le réalisateur, qu’elle a rencontré par connaissances interposées, venait de signer Quelques pas à Paris, portrait des Grands Ballets canadiens lors de leur séjour au Festival d’été de Paris en 2008.
Pour l’artiste née en Inde et élevée en France, la vie et la danse forment un parfait continuum. Formée dès l’enfance au style kuchipudi, elle s’est donné pour mission de le faire connaître au plus grand nombre. Elle a depuis foulé les scènes les plus reconnues, du Théâtre de la Ville à Paris au Sadler’s Wells de Londres en passant par le doyen des festivals américains, Jacob’s Pillow. Elle a joué toute jeune au théâtre de Peter Brook, dansé avec la troupe de Pina Bausch (Néfès, Le sacre du printemps, Bamboo Blues) et partagé la scène avec Sidi Larbi Cherkaoui (Play), un dialogue créatif auquel s’attarde d’ailleurs le film Shantala.
« C’est la vision d’Ezra, dit-elle, et il ne connaissait rien de la culture indienne, alors c’est son voyage à l’intérieur de ce qu’il perçoit de moi et de cette culture. »
Danses à l’écran
La seconde tenue du festival consacré aux créateurs de « danse de cinéma » se déroule en marge de l’exposition Corps rebelles sur la danse au Musée de la civilisation de Québec. Le directeur général Sylvain Bleau a conçu l’événement en s’inspirant de Cinedans d’Amsterdam, pour le grand public, mais aussi pour stimuler le milieu de la danse à l’écran.
Certains chorégraphes québécois sont déjà actifs dans ce créneau — en se joignant à un réalisateur ou en portant les deux chapeaux. On pourra notamment (re)voir, réunis autour du thème « Femmes d’aujourd’hui », Une courte histoire de la folie d’Isabelle Hayeur (chorégraphies de Virginie Brunelle) et Off Ground du cinéaste néerlandais Boudewijn Koole, qui met en vedette Louise Lecavalier. Ateliers (voir l’encadré) et discussions s’articulent souvent autour des projections. Une séance consacrée à la nouvelle génération de créateurs propose le fruit d’ateliers professionnels donnés en amont par la cinéaste écossaise Katrina McPherson et par la chorégraphe québécoise et chercheuse en danse à l’écran Priscilla Guy, et se conclut avec la reprise de Sur la ligne. Variation no 2 de Mario Calvé et Anne-Marie Trucotte (chorégraphies de Harold Rhéaume). Des programmes de courts métrages permettent aussi de mieux connaître des chorégraphes-cinéastes d’ici, comme Dana Gingras ou Alan Lake, et d’ailleurs, comme l’Américain Jil Guyon.
Quelques séances sont consacrées entièrement à des chorégraphes mythiques, chacun à leur façon : la Catalane Isabel Rocamora, « cinéaste de danse la plus inspirée de notre époque », selon M. Bleau ; Sally Gross, l’une des fondatrices du mouvement postmoderniste Judson Church ; et Vincent Paterson, le chorégraphe des belles années de Michael Jackson, de Madonna et du film Dancer in the Dark.