«En corps»: en perpétuel mouvement

« Le film raconte comment on peut se relever après avoir été arrêté en plein vol. » Avec En corps, Cédric Klapisch retrace le parcours d’Élise, 26 ans, une danseuse classique qui voit sa vie bouleversée après une sérieuse blessure. De déconvenues en infortunes, entre Paris et la Bretagne, elle doit radicalement changer son approche de la danse tout comme sa façon de vivre. Appuyée par de nouvelles amitiés et de nouveaux apprentissages, Élise doit apprivoiser sa renaissance artistique et personnelle.
Cette histoire singulière, le cinéaste français l’a imaginée et construite au gré de ses rencontres, notamment avec le chorégraphe d’origine israélienne basé à Londres Hofesh Shechter, mais aussi, et surtout, avec Marion Barbeau, première danseuse du ballet de l’Opéra de Paris, qui revêt pour la première fois la tenue d’actrice. « Je ne souhaitais pas trouver des acteurs qui aient fait de la danse pour tenir les rôles du film, et Marion Barbeau s’est imposée. Pour moi, il était évident qu’elle allait jouer le personnage principal », se souvient-il.
« Avec En corps, j’ai voulu partager ce que je connaissais de l’univers magique de la danse, souvent méconnu du grand public », poursuit Cédric Klapisch. Après avoir signé plusieurs documentaires, dont Aurélie Dupont, l’espace d’un instant en 2010 et la courte vidéo Dire merci en 2020, l’heure est enfin venue pour lui de consacrer une fiction à la danse, qu’il côtoie depuis l’adolescence. « Je n’ai jamais été danseur, mais, depuis que j’ai 14-15 ans, j’aime assister à des spectacles et à des ballets. Tout au long de ma carrière, j’ai également pu avoir accès aux coulisses de la danse, qu’elle soit classique ou contemporaine, ce qui m’a permis d’avoir une culture et un savoir sur cette activité », explique le réalisateur, qui avoue volontiers avoir été subjugué et éclairé par des gens comme l’illustre danseuse et chorégraphe allemande Pina Bausch, qui furent de véritables guides dans sa vie créative.
Je n’ai jamais été danseur, mais, depuis que j’ai 14-15 ans, j’aime assister à des spectacles et à des ballets. Tout au long de ma carrière, j’ai également pu avoir accès aux coulisses de la danse, qu’elle soit classique ou contemporaine, ce qui m’a permis d’avoir une culture et un savoir sur cette activité.
Et la danse fait absolument briller chaque facette d’En corps. « Avec le chef opérateur, Alexis Kavyrchine, nous avions envie de jouer avec le concept du mouvement, que tout, chaque instant, danse dans le film, même une voiture qui se gare, et pas seulement les danseurs sur scène, dit Cédric Klapisch. Il fallait que le simple fait d’éplucher des carottes devienne une danse. » C’est ainsi qu’ils ont réussi à transformer les choses les plus banales et quotidiennes avec une certaine idée de la chorégraphie.
Arabesques
S’il parle de la réalité de la danse aujourd’hui, En corps essaie aussi de brosser le portrait de notre époque. « J’ai grandi pendant la naissance du féminisme, dans les années 1970, et je trouve qu’en ce moment les femmes parviennent à s’approprier ce qui leur échappait jusqu’à maintenant », observe Cédric Klapisch. Une évolution qu’il affronte et transpose par ailleurs dans le film lorsque l’amie d’Élise, Sabrina, formidablement interprétée par Souheila Yacoub, prend à partie un photographe pour sa vision de l’objectification des femmes. « Cette scène sert à fabriquer de la comédie et me permet de me moquer de moi-même, du male gaze, car je suis un homme de plus de cinquante ans et j’aime filmer les femmes, souligne-t-il. Avec le côté voyeur du cinéma, il y a des interrogations qu’on ne peut plus esquiver aujourd’hui. »
De grand écart entre les générations représentées dans En corpsil est aussi question. « Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une opposition, mais d’un conflit, notamment entre Élise et son père [joué par Denis Podalydès]. Ce n’est pas qu’il ne veut pas que sa fille fasse de la danse, mais il ne comprend pas vraiment ce que fait sa fille. Il est en décalage », ajoute Cédric Klapisch, qui y voit un moteur pour faire sourire.
Quand on lui demande enfin en quoi la jeunesse l’inspire et l’influence — rappelons à ce propos que le cinéaste a particulièrement marqué les générations X et Y avec des longs métrages tels que Le péril jeune et L’auberge espagnole —, Cédric Klapisch évoque plutôt une volonté de travailler avec des acteurs débutants. « Ceux qui commencent ont la passion du jeu, contrairement aux gens de mon âge », conclut-il avec un émerveillement toujours intact.
En corps prend l’affiche en salle
le 15 juillet.