«Le téléphone noir»: Mauvais numéro

Terrence Shaw (Jeremy Davies), le détective Wright (E. Roger Mitchell), Gwen Shaw (Madeleine McGraw) et le détective Miller (Troy Rudesealdans le film « Le téléphone noir », de Scott Derrickson.
Photo: Universal Pictures Terrence Shaw (Jeremy Davies), le détective Wright (E. Roger Mitchell), Gwen Shaw (Madeleine McGraw) et le détective Miller (Troy Rudesealdans le film « Le téléphone noir », de Scott Derrickson.

Une nouvelle primée de Joe Hill (talentueux fils de Stephen King) adaptée par C. Robert Cargill et Scott Derrickson (tandem à l’origine de Sinister) avec ce dernier à la réalisation (après qu’il eut quitté la barre de Doctor Strange in the Multiverse of Madness), ça promettait. Après cette première annonce, l’affiche est apparue : gros plan sur le visage d’Ethan Hawke masqué par une création aussi spectaculaire que « malaisante » de l’as maquilleur Tom Savini (qui a entre autres travaillé avec George Romero) : les attentes ont grimpé.

À l’arrivée, Le téléphone noir (V.F. de The Black Phone), avec son atmosphère typiquement « kingsienne », ne parvient pas à satisfaire les attentes, mais il ne s’écrase pas sous leur poids.

Du côté des poncifs du genre, le long métrage se déroule à la fin des années 1970 (allô nostalgie) dans une petite ville américaine (salut Stranger Things) où des jeunes sont enlevés par un aficionado des ballons gonflables (coucou It). À l’avant-plan, Finney (Mason Thames), un adolescent victime d’intimidation (bonjour tous les précédents). Du côté du fantastique, sa soeur Gwen (Madeleine McGraw) fait des rêves prémonitoires. Et côté sordide, leur père (Jeremy Davies) les discipline à coups de ceinture.

Photo: Universal Pictures Brady Hepner et Mason Thames dans «Le téléphone noir»

L’action démarre après que le spectateur a observé Finney dans juste assez de scènes pour développer de l’empathie envers lui. Le garçon se fait alors kidnapper par le Grabber (Ethan Hawke) et se retrouve dans un sous-sol nu et insonorisé. Au mur, le fameux téléphone noir. Déconnecté. Mais qui sonne parfois, relayant les voix des victimes du tueur qui veulent aider le prisonnier à s’échapper.

La table est ainsi mise pour cette horreur familière, populaire et prisée qui est la marque de commerce de la maison de production Blumhouse (Paranormal Activity, Insidious, etc.). Et ça fonctionne. Sauf que…

Le film aurait pu compter davantage de points s’il n’avait pas autant misé sur des moments de tension visuellement beaux et forts, mais débouchant sur des sursauts assez prévisibles. S’il n’avait pas tourné autant de coins ronds. Et s’il avait creusé ses personnages au lieu de les reléguer au rang d’archétypes : toi, tu es policier et tu enquêtes ; toi, tu es l’adorable « comic relief » et tu nous fais rire (même si Madeleine McGraw est formidable en cela) ; toi, tu es le protagoniste tourmenté mais attachant (Mason Thames fait toutefois mouche dans cette partition convenue, mais bien menée).

Puis, on semble avoir oublié qu’une oeuvre de ce genre est réussie si son méchant l’est. Or le type derrière le masque, tout effrayant qu’il soit, voit son impact visuel se déliter au fil de ses apparitions : on finit par s’y faire et il n’est plus que cela, un sale type derrière un masque. Car on le connaît peu, on ignore quel est son moteur, ses perversions ; et on ne sait pas ce qui a mis en branle la spirale dévastatrice à laquelle il se livre à (trop) grande vitesse — ce qui s’étalait sur deux ans dans la nouvelle se déroule ici en quelques jours. Toute cette malfaisance semble alors flotter dans le vide (comme des ballons) et, laissé à lui-même, Ethan Hawke ne parvient pas à rendre réel le Mal avec une majuscule qui habite le tueur. Ni à terrifier. Or, c’est là l’idée d’un film d’épouvante.

Le téléphone noir (V.F. de The Black Phone)

★★ 1/2

Drame d’épouvante de Scott Derrickson, avec Ethan Hawke, Mason Thames, Madeleine McGraw, Jeremy Davies. États-Unis, 2022.

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